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Si vous manquez à l’appel, la force des armes sera employée contre vous ; en plus, vous serez gravement puni.

N.B. — Se munir de vêtemens chauds et de vivres pour trois jours.


C’était une condamnation aux travaux forcés. Les Allemands étaient coutumiers du fait. Ils avaient dépeuplé Gricourt, Bernes, Vendelles, Hancourt, afin de constituer des chiourmes, sous le bâton des subordonnés du général von Fabeck ou du prince Rupprecht de Bavière. Quand on parle de bâton, ce n’est point, hélas ! par métaphore. Un officier de notre justice militaire, commissaire du gouvernement, chargé par notre haut commandement de faire une enquête aussi complète que possible sur les crimes de droit commun que les Allemands ont commis en territoire français, a bien voulu nous signaler un document trouvé dans la commune d’Holnon, à cinq kilomètres de Saint-Quentin. C’est un règlement rédigé (on verra ci-dessous en quel style !) par un certain Gloss, chef de la Kommandantur locale :


Holnon, 20 juillet 1915.

Tous les ouvriers et les hommes et les enfans de quinze ans sont obligés de faire travaux des champs tous les jours, aussi dimanche, de ! heures du matin jusqu’à 8 heures du soir (temps français).

Récréations : une demi-heure au matin, une heure à midi et demi-heure après-midi.

La contravention sera punie à la manière suivante :

1° Les fainéans ouvriers seront combinés pendant la récolte en compagnie des ouvriers dans une caserne sous inspection des corporaux allemands [1]. Après la récolte, les fainéans seront emprisonnés six mois ; le troisième jour, la nourriture sera seulement du pain et de l’eau.

2° Les femmes fainéantes seront exilées à Holnon pour travailler. Après la récolte, les femmes seront emprisonnées six mois.

3° Les enfans fainéans seront punis de coups de bâton.

De plus le commandant réserve de punir les fainéans ouvriers de vingt coups de bâton tous les jours.

Les ouvriers de la commune de Vendelles sont punis sévèrement [2].


Signé : GLOSS, colonel.

  1. Gloss veut dire que le contingent de ces « fainéans » formera des « compagnies d’ouvriers » dans une caserne, et que ces compagnies seront encadrées par des caporaux allemands.
  2. Vendelles est une commune du canton de Vermand, près de la ligne du chemin de fer économique de Bertincourt à Saint-Quentin. Cet aveu de Gloss est bon à retenir.