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bien l’amour-propre des française. Et bien, Monsieur, vous avez tore, en véritté, vous devé nous rendre ce que nous vous avons pretté de sy bon cœur dès les premiers momens que nous vous avons connu. Bonjour, Monsieur, vous êtes désiré, souhaité et atendu pour le plus tard mercredi, sans quoy guères déclaré entre nous. »

Mme Poisson mourut l’année suivante. Devenue marquise de Pompadour, sa fille continua de se montrer bienveillante à l’égard de Bernstorff qui de son côté la voyait avec plaisir, la jugeant bonne, douce, aimable, incapable de se mêler de politique. Il dut, dans la suite, revenir sur cette opinion, mais il ne cessa d’être empressé auprès de la marquise dont il fut bien souvent l’hôte au château de Crécy, à la Celle-Saint-Cloud. Mme de Pompadour lui fit la faveur de l’admettre à son théâtre des petits Cabinets.

Il eut aussi de précieuses amitiés masculines : Voltaire, Maupertuis, Bernis, Fontenelle qu’il connut à Etiolles, et le comte de Stainville, plus tard duc de Choiseul, de qui Bernstorff disait « qu’il était fait pour jouer un rôle ou pour succomber dans la lutte pour y atteindre. »

« Fort peu de gens sont aussi bien instruits que le baron Bernstorff de ce qui se passe dans le royaume, » dit encore le duc de Luynes. Observateur attentif, il examinait tout, voyait tout. Il admirait les ressources qu’offrait la nation française, les richesses dont elle pouvait disposer, les sacrifices qu’elle s’imposait de bon cœur pour la gloire de la France. Louis XV, qu’il approchait souvent, lui paraissait bon envers ceux qui lui plaisaient, mais jaloux des marques extérieures du pouvoir. Le caractère du Roi était difficile à saisir, étant fait de contrastes : orgueil et affabilité, bonté et dureté, mollesse et énergie.

Plusieurs années après qu’il eut quitté l’ambassade de Paris, l’ami de Mme de Belle-Isle donna à son neveu A. -P. Bernstorff, qui faisait à son tour, accompagné d’un précepteur, un voyage d’études en France, les instructions et conseils suivans : « Les Français sont naturellement bons, indulgens, polis et faits plus qu’aucune autre nation du monde pour l’amitié, pour la société et pour la conversation agréable et douce. Mais ils sont sévères contre tous les ridicules et délicats sur les procédés. Parlez peu, ne cherchez pas à faire paraître votre esprit, cela est trop dangereux ; paraissez docile sans être bas, louez tout ce qui est