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Son petit-fils, le baron J.-H. Bernstorff, arrière-grand-oncle de l’ambassadeur d’Allemagne aux Etats-Unis à qui M. Wilson a rendu ses passeports, entra au service du Danemark, d’abord comme agent diplomatique à l’étranger, ensuite comme ministre des Affaires étrangères. Grand ami de la France, il détestait le militarisme prussien et reprochait au roi de Prusse de s’être emparé de la Silésie sous l’hypocrite prétexte de servir le protestantisme. Il prononça des paroles prophétiques sur le péril que présentaient pour l’Europe les convoitises de la Prusse. Prévoyait-il que le Hanovre deviendrait au XIXe siècle, comme la Silésie, province prussienne ? Plus tard, son neveu A. -P. Bernstorff fut, lui aussi, ministre des Affaires étrangères de Danemark et montra la même sympathie pour la nation française. Pendant son ministère, le Danemark observa une attitude amicale envers la France qui, déchirée par la Révolution, luttait pour défendre son territoire contre ses ennemis du dehors. Le diplomate allemand dont la conduite est si contraire aux sentimens et aux opinions de ses ancêtres est donc un renégat.

Des trois Bernstorff dont l’histoire a retenu les noms, J.-H. Bernstorff est connu en France par sa correspondance politique avec le duc de Choiseul, son ami personnel. Cette correspondance constitue un document du plus grand intérêt. La carrière diplomatique du baron le mit en rapport avec toute la haute société française du milieu du XVIIIe siècle et se corsa d’une aventure sentimentale qui donne un attrait romanesque à la figure de ce Hanovrien.

Il grandit dans un intérieur morose. La manière de vivre de ses parens n’était pas empreinte de cette bonhomie simple et souriante qu’on a si longtemps attribuée aux Allemands. Un piétisme sévère les tenait à l’écart du monde. J.-H. Bernstorff put néanmoins, à dix-neuf ans, effectuer, sous la conduite d’un précepteur, un voyage en Italie, en France et en Angleterre. Paris l’éblouit. Installé à l’hôtel d’Anjou, rue Dauphine, il vit de près la Cour, fut reçu dans les ambassades, applaudit les danseurs et les chanteurs de l’Opéra. Lorsqu’il reprit le chemin du Hanovre, il emportait de son séjour en France l’impression d’une culture raffinée dont le souvenir nostalgique le poursuivit en Allemagne. A l’exemple de beaucoup de nobles allemands, il chercha un poste à l’étranger, dans la diplomatie, et il réussit