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n’est pas là pour tenir le grand premier rôle. — Un brave homme a quitté sa Sicile natale pour se rendre à Rome, et y subir l’opération de l’appendicite. Il en revient, depuis qu’il a respiré l’air du continent, avec un mépris indicible pour tout ce qui n’est pas romain ; et de plus, avec une chanteuse dont il s’est éperdument épris : une Romaine, cela va sans dire. Ses grands airs, et sa chanteuse, l’entraînent de mésaventure en mésaventure ; il se brouille avec sa famille, se fait conspuer par ses amis âgés, et tromper par ses amis plus jeunes ; jusqu’au jour où il découvre, désillusion suprême, que la chanteuse de Rome est une Sicilienne comme lui. Alors il revient à la sagesse, qui est de vivre honnêtement en son pays : tel est l’Aria ciel continente, qui a eu plus de mille représentations. — Ou bien encore : un brigadier des douanes en retraite à la manie de faire des mariages. Doué d’une imagination exubérante, il voit dans les vieux garçons les plus décrépits des princes charmans, dans les vieilles filles les plus desséchées de douces fiancées. Il réussit à convaincre les récalcitrans, et marie tous ceux qui l’approchent. Or, les mariages tournent mal : les victimes accablent de reproches l’auteur de leur misère ; il est menacé d’un duel, ce qui le met fort en peine. Mais que toutes ces colères s’apaisent un instant, et déjà son imagination reprend carrière, sa manie triomphe : c’est Lu Paraninfu, une autre pièce à succès.

Prenons enfin la plus récente, Lu Malandrinu, jouée pour la première fois à Milan en juin 1917. Un menuisier de Catane a été condamné à trois ans de prison, par suite d’une erreur judiciaire : il sort des galères avec l’auréole du bandit. Il devient un personnage important et redouté. On a recours à lui dans les cas difficiles. Une étoile est outrageusement sifflée par la cabale ; elle l’implore pour qu’il se rende au théâtre, et impose respect aux siffleurs. Un journal local a insulté le commendatore, candidat aux élections : on vient le trouver, pour qu’il aille déposer une bombe devant les bureaux du journal. Le malheur est que ce brigand terrible est en réalité le plus paisible, le plus peureux des hommes. Poussé par le point d’honneur, il essaye pendant quelque temps de soutenir son rôle de bravo : il ne recueille que plaies et bosses ; un rival lui donne rendez-vous, la nuit, pour une lutte au couteau ; il faut que l’un des deux reste sur le terrain. Musco n’attend pas la nuit ; Musco,