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qui stationnent peu de temps à Marseille et qu’on achemine, par voie ferrée, vers des directions spéciales. Des écuries de chevaux et de mulets ont été installées aussi dans ces baraquemens supplémentaires. Ailleurs (qui le croirait ?) les ânes, les petits ânes d’Algérie, si vifs, si fringans, et, si l’on, ose dire, si spirituels, ont un camp pour eux tout seuls. Le parc aux ânes du boulevard Rabatteau est une des singularités et une des attractions du Marseille de guerre. Ces bêtes indépendantes et capricieuses rendent à nos soldats d’inappréciables services. Je les regarde, derrière les palissades de leurs boxes, se frotter mélancoliquement l’une contre l’autre, en agitant leurs longues oreilles. Pauvres bourricots dépaysés, se doutent-ils des corvées héroïques auxquelles on les destine et qu’ils accompliront comme la chose la plus simple du monde, en braves petits Africains qu’ils sont ?... Car, dans ce grand carnage de l’Occident, les bêtes ont payé de leur sang comme les hommes : ânes, chevaux et mulets, plus de quatre cent mille sont passés par ces écuries pour prendre le chemin des fronts. Et comment dénombrer ceux que le commerce et l’industrie marseillaises ont employés depuis trois ans, sur les quais et leurs chantiers, pour les services des subsistances et des munitions ? Chaque fois que je m’arrête sur la place d’Aix, devant cet arc-de-triomphe, qui voit passer tant de malheureuses bêtes fourbues, écrasées sous le poids des charges, je me dis que la municipalité remplirait un devoir de stricte gratitude, en faisant graver au fronton cette belle inscription en lettres d’or : « Aux chevaux de Marseille, la Cité reconnaissante ! »

Mais Marseille a tant d’hôtes à caser, à héberger, à amuser même ! Avec le soin de notre ravitaillement à tous, civils et militaires, elle assume des fonctions hospitalières si diverses qu’elle n’a pas le temps de songer aux animaux !

Parmi les installations étrangères auxquelles elle a dû pourvoir, il sied de rappeler, en passant, celle des Russes, qui, un beau matin, lui débarquèrent de Wladivostock. Leur campement existe toujours. Mais ces contingens ne sauraient se comparer aux contingens britanniques. Quoique numériquement bien inférieure à la base française, la base anglaise de Marseille a une importance qui ne saurait échapper même au passant le plus distrait. Ils sont partout dans la banlieue. A la Pointe Rouge, ils ont un camp spécialement affecté aux troupes hindoues