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— on pense avec quelle insuffisance, — la forte trouée qui, le 5 octobre encore, s’ouvrait de Dunkerque à Arras. Lille était déjà menacé par la cavalerie allemande, que nos divisions de cavalerie n’étaient encore que dans les environs de Saint-Pol. Tandis que la bataille faisait rage sur le front Castelnau, puis sur le front Maud’huy, — ces combats trouveront, je l’espère, bientôt leur historien, — la Flandre semblait livrée. Deux brigades territoriales, envoyées de Dunkerque, étaient à la vérité descendues sur Bergues et Saint-Omer et des divisions de l’armée Maud’huy (la nouvelle 10e armée) remontaient vers Loos ; le 8, une brigade de cavalerie occupait Cassel, juste à temps pour en éloigner les patrouilles allemandes, et la jonction Se faisait, le 9, entre les territoriaux venus du Nord et les cavaliers accourus du Sud. Mais il fallait bien d’autres forces et d’une autre importance, car, à cette heure même, Anvers, qui dans une certaine mesure pouvait être considéré comme la défense avancée des Flandres, tombait, et sa chute rendait disponibles de nouveaux corps allemands. En revanche, l’armée belge, battant en retraite, échappait à l’encerclement de la place. Mais, légitimement fatiguée, s’arrêterait-elle entre Ostende et Gand, entre Nieuport et Ypres ? Pourrait-elle même s’arrêter pour combattre ?

Il devenait de plus en plus probable que, de la mer à la Lys, les forces allemandes allaient déferler et la bataille du Nord qui, en attendant qu’elle s’étendit jusqu’à la mer, continuait à se déchaîner en Picardie et en Artois, devenait décidément, pour l’heure, la grosse affaire de la guerre.

Les Anglais allaient, sur leur requête, y être jetés.

Depuis le début des combats de l’Aisne, les troupes du maréchal French, trois corps qu’allaient grossir d’importans renforts coloniaux, occupaient, entre les armées Maunoury et Franchet d’Espérey, la partie du front de bataille où les avait amenés la poursuite d’après la Marne. Mais le maréchal s’en accommodait mal et, dès la fin de septembre, il avait manifesté le désir de reprendre sa place primitive à l’extrême gauche de l’armée alliée. Il se trouverait ainsi, à son sens, dans son rôle en quelque sorte naturel, car, porté vers le Nord, il se rapprocherait par là de ses bases de ravitaillement, les ports du Pas de Calais, tandis que ses soldats (je dirai tout à l’heure combien l’événement justifiait ce sentiment) se pourraient