Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas besoin de vibrer ; mais, pour le prochain ouvrage et pour le tome quatrième surtout, la vibration s’impose : « C’est de votre salutaire influence, ma Clotilde, que j’attends cette inestimable amélioration. «  C’est pour l’humanité. Si Clotilde fait la belle inhumaine, quelle signification nouvelle et scandaleuse elle prête à ce mot ! Clotilde est, pour ainsi parler, commandée de service par l’humanité, auprès de M. Comte, pour l’humanité. En chagrinant M. Comte, elle le rendrait fou : l’humanité ne le lui pardonnerait pas. Cette exigence dialectique a l’air d’une bouffonnerie.

Ce n’est pas une bouffonnerie ; et l’on n’a pas envie de rire, quand on voit le drame se dérouler jour après jour, avec une extraordinaire intensité de passion. De jour en jour. Comte se plaint, se lamente et geint plus fort. Clotilde, éperdue, ne sait que devenir et que faire. Elle n’est pas sûre que son étrange amoureux ne soit à la veille de trépasser. Elle écrit, un matin de septembre : « Je ne veux pas que vous soyez malade ou malheureux à cause de moi... » Malheureux, il l’est, dans une merveilleuse exaltation d’amour ; et malade, à sembler repris de sa folie ancienne... « Je ferai ce que vous voudrez... » Qu’est-ce à dire ? Précisément, ce qu’elle dit. Elle ne dissimule rien à elle-même ; et elle n’élude pas la pensée de son engagement. Elle ne dissimule pas à Comte la vérité ; au moment de se donner à lui, elle ne lui jure pas d’autres sentimens que les siens : « la tendresse que vous me témoignez et les sentimens élevés que je vous connais m’ont attachée sincèrement à vous... » Sincère attachement, gratitude et la crainte qu’il n’ait pâti à propos d’elle : est-ce là tout ce qui l’amène au parti de céder ? Elle ajoute l’excuse qu’elle a trouvée pour elle-même : « Depuis mon malheur, mon seul rêve a été la maternité ; mais je me suis toujours promis de n’associer à ce rôle qu’un homme distingué et digne de le comprendre. Si vous croyez pouvoir accepter toutes les responsabilités qui s’attachent à la vie de famille, dites-le-moi, et je déciderai de mon sort... » Et lui, cette lettre pouvait le désespérer : cette lettre l’enivre d’une immense joie.

Il attend Clotilde. Et la voici. Elle est venue comme elle avait promis de venir. Elle a conscience d’avoir tout promis. Soudain, tout ce qu’elle a promis chavire dans sa tête : et elle se sauve. Sa révolte été plus vive que ses promesses.

Tout aussitôt, rentrée chez elle et haletante, elle écrit à l’amoureux déçu : « Je veux vous écrire tout de suite. Pardonnez-moi mes imprudences. Hélas ! je me sens encore impuissante pour ce qui ! dépasse les limites de l’affection. Personne ne vous appréciera mieux