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REVUE DRAMATIQUE


Comédie-Française. — L’Élévation, pièce en trois actes, de M. Henry Bernstein.


Je suis persuadé qu’il sortira de la guerre un théâtre renouvelé. Une guerre qui jusqu’aux extrêmes confins du monde met les peuples aux prises, dépose les rois, défait sous nos yeux l’œuvre des siècles, pourra bien aussi modifier quelques recettes d’art dramatique. Mais il y faudra du temps : les transformations de l’art sont, comme celles de la nature, lentes et insensibles. Après une période plus ou moins longue d’élaboration inconsciente, nous nous trouverons en présence de spectateurs qui auront un autre idéal, d’auteurs sur qui ne pèsera pas le poids de tout un passé de succès. Jusque là, et pendant des années, le théâtre continuera d’être tel qu’il était avant la guerre, ce qui fera dire aux gens pressés que les plus formidables événemens de l’histoire générale sont sans influence sur l’histoire littéraire. Les mêmes pièces recueilleront, pour les mêmes effets, les mêmes applaudissemens. On en actualisera le décor, on y parlera de la guerre, mais ce seront les mêmes pièces. Et le public, conservateur dans les moelles, saura gré aux auteurs d’être restés les mêmes et de ne pas le déranger dans ses habitudes.

C’est ce qui vient de se passer pour la pièce de M. Bernstein, l’Élévation. Comme toutes les pièces d’hier et d’avant-hier, celle-ci est empruntée au cycle traditionnel de l’adultère. La guerre a eu beau soulever toutes sortes de questions et même remettre toutes choses en question, il reste convenu que le théâtre ne saurait prendre ses sujets en dehors de ce cercle consacré. On sait, au surplus, depuis un siècle à peu près, depuis que les romantiques se sont emparés du théâtre, que deux êtres sur qui la passion s’est abattue ont un devoir :