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flottaient dans la nouvelle atmosphère se sont cristallisés autour de deux positions intermédiaires qui se sont nettement dessinées en ces derniers jours. L’une, celle des menché-wiki, a prévalu dans le sein du « Conseil des députés des ouvriers et des soldats, » et a trouvé son expression dans le document historique de l’Appel à tous les peuples ; l’autre, celle des socialistes agrariens et des troudovikis (travaillistes) insiste pour que soient publiées des déclarations affirmant l’extrême modération des buts de la guerre, en harmonie complète avec les principes proclamés par les Alliés pendant la première période de la guerre.

C’est entre ces deux positions nouvelles, mais déjà fortes, d’une part, et le gouvernement d’autre part, que va s’engager la lutte. Elle se livrera, vraisemblablement, autour de la question des « buts de guerre. » Elle est à peine engagée encore que déjà on parle de la nécessité pour M. Milioukoff de « se soumettre ou se démettre. » Cette exigence des partis de l’opposition pourrait bien être le point de départ d’une terrible crise pour la politique intérieure et extérieure de la Russie.


LES OSCILLATIONS DU PENDULE

Nous passons par de terribles alternatives d’espoir et de découragement. Des journées comme celle du 27 mars où un million de citoyens traversèrent, sans police et dans le plus grand ordre, les principales artères de la capitale, en portant sur les épaules ou en accompagnant, avec des hymnes et des chants, les cercueils des victimes de leur révolution, donnent le droit de tout espérer ; celles où un peuple enthousiaste s’en va, musique en tête, recevoir à la gare un Lénine qui s’intitula au début de la guerre, « partisan de la défaite » et qui rentre en Russie après avoir obtenu du Kaiser la permission de traverser l’Allemagne, autorisent à tout craindre. Certes, le calme règne dans la capitale. En apparence, tout semble rentré dans l’ordre. Il n’est pas un discours dans lequel on n’affirme hautement la volonté de continuer la guerre. Les socialistes allemands ont répondu par une fin de non recevoir à l’invite lancée par leurs « camarades » russes dans l’Appel à tous les peuples, de se débarrasser du Kaiser, comme eux-mêmes ont fait de leur tsar. Cette douche brutale a rabattu les illusions