Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’avant-dernière session 1/14 novembre 1916, fit en Russie et à l’étranger une très grande impression.

C’est un homme intègre, modéré, mais profondément libéral, et très au courant des nécessités vitales de son pays.

Dans le vaste salon ministériel, je retrouve le même accueil aimable et simple que M. Milioukoff me faisait en 1915, lors de mon arrivée en Russie, dans son cabinet de travail de la rue Bassenaïa. Seulement, alors, un sourire de tristesse errait sur sa bouche ; maintenant ce sourire est d’espérance...

Après avoir fait allusion, pour les réfuter, aux craintes de paix séparée qui ont percé dans le public en ces derniers temps, le ministre déclare :

« La guerre que nous menons et à laquelle l’Allemagne nous a contraints est une guerre libératrice et, comme telle, en concordance avec les idées généreuses de la démocratie. » Puis, après avoir exposé, avec la clarté qui lui est coutumière, les raisons déterminantes de la Révolution russe : germanophilie des hautes sphères, mésentente entre le gouvernement et le peuple, M. Milioukoff ajoute : « Le militarisme prussien, l’autocratisme prussien sont en opposition flagrante avec les principes de la démocratie russe. L’Allemagne est la dernière forteresse de l’autocratie en Europe. La victoire des Alliés sur l’Allemagne prussianisée sera donc le triomphe de l’idée démocratique. La démocratie russe veut ce triomphe.

« Il est vrai qu’il peut y avoir des doutes chez nos Alliés, des craintes même d’un affaiblissement possible de nos forces à cause des conséquences immédiates et inévitables de la révolution : la grève, l’indiscipline, la diminution momentanée de la production. Tout cela n’est que temporaire. Je puis même dire que ce sont des inconvéniens qui appartiennent déjà au passé. Dans les usines, le travail reprend ; dans les casernes, la discipline se rétablit peu à peu. Après ce trouble passager, ces nouvelles forces créatrices se montreront dans leur pleine lumière avec la totalité de leur pouvoir créateur. »

Paroles réconfortantes si l’avenir les justifie ! Certes, la Russie est incapable de trahir ses engagemens. Ce qui est à craindre, c’est un affaiblissement de ses forces militaires, une trop complète absorption de son énergie par le mouvement révolutionnaire, un désintéressement dangereux de la guerre