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et nous ne restons que deux, l’adjoint du commissaire et moi. Mon compagnon monte à l’appartement, tandis que je me tiens debout près de la porte d’entrée, avec un revolver de dame à la main, un vrai joujou nacré... Tout à coup, doucement, doucement, une tête passe dans l’entre-bâillement de la porte, je reconnais le général. La souris est prise ! Je braque mon revolver entre les deux yeux de l’homme. Il tressaille, s’arrête. J’étais décidé à tirer au moindre mouvement. Il n’en fît aucun, et se rendit. En plus ou moins de temps, c’est ainsi qu’ils se sont laissé prendre, tous. »


LA FÊTE RÉVOLUTIONNAIRE

Les tramways recommencent à circuler. Mais heureux qui peut les prendre ! Non seulement ils sont bondés à l’intérieur au point qu’une fois entré on n’en peut plus sortir, mais les voyageurs, les militaires surtout, obstruent l’entrée et la sortie, pendent en grappes le long des appuis-main de cuivre, s’accrochent aux moindres saillies, se suspendent les uns aux autres comme de monstrueux essaims !... Jadis les soldats n’avaient accès que sur la plate-forme de devant ; la révolution leur ayant donné tous les droits, ils en usent ! On ne voit plus qu’eux dans les trains ! Comment lutter d’agilité ou de force avec ces gaillards aux muscles puissans, capables de vous envoyer d’un coup de pouce rouler au milieu de la chaussée ? Parfois, cependant, ils mettent une certaine bonhomie à vous aider dans vos tentatives d’escalade. Vous tendez une main confiante, le tramway démarre et... vous restez, jusqu’au prochain arrêt, suspendu à une poigne aussi solide qu’un crampon de fer.

Dès cinq heures les premiers jours, à six heures maintenant, la circulation s’interrompt, les usines se ferment, les magasins mettent leurs volets. Ne faut-il pas que conducteurs, ouvriers, employés prennent part aux réunions du soir ?... Car la fête révolutionnaire a commencé. On a beau crier : « Et la guerre ! Et la reprise du travail ! » Nul n’écoute. « Un pied dans l’usine, un pied dans la rue, » telle est la devise.

La boutique ou le bureau fermés, on se précipite au dehors, à pied dans la boue du dégel. Il n’est pas de quartier qui n’ait ses salles de réunion et ses orateurs. Le plus souvent, le meeting est agrémenté d’un concert. Tous les artistes se font un honneur