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Préoccupé de montrer des routes à suivre, je n’ai pas pu insister, comme il aurait fallu, sur le chemin accompli dans ces dernières années et sur la vitalité dont ce pays donne partout les preuves, présage heureux de son avenir. Il ne faut pas le juger sur une réputation d’autrefois et sur une somnolence accidentée de révolutions dont il est très heureusement guéri. Ce réveil incontestable de l’Espagne nous touche de trop près, intéresse à la fois trop vivement nos besoins commerciaux et nos sympathies pour que nous ne lui prêtions pas une juste attention.

La collaboration si souhaitable de la France et de l’Espagne existe déjà dans plus d’un domaine. J’ai déjà fait allusion à nos grandes sociétés minières et électriques. Les affaires françaises, qui sont nombreuses en Espagne, ont pu continuer à prospérer pendant les hostilités, grâce à la courtoisie chevaleresque de leur personnel espagnol, qui, sans faire parade de son dévouement, a doublé ses efforts pour remplacer des collègues français mobilisés. A l’heure actuelle, en pleine lutte, notre industrie donne là des preuves d’activité et d’initiative dont les fruits se récolteront après la paix. Il faut encore les multiplier.

Les causes d’intimité entre les deux peuples abondent et, malgré quelques malentendus faciles à réparer, elles ne sauraient manquer d’être efficaces. La France est, avec l’Angleterre, de beaucoup le pays qui fait le plus de commerce avec l’Espagne ; elle lui fournit des marchandises, elle lui en achète bien davantage. Les exportations de l’Espagne en Allemagne sont à peine le quart des exportations en France ou en Angleterre. L’Allemagne verrait volontiers, dans l’Espagne, une sorte de colonie africaine, où l’on s’attache d’abord à écouler ses produits. La France, mieux inspirée, traite sa voisine comme une sœur aimée, un peu susceptible, pour laquelle sa politique douanière s’est montrée, dans ces dernières années, particulièrement affable. A une heure où le monde entier doit être las d’affirmations, de négations et de phrases, ce ne sont pas là des mots, mais des chiffres, mais des faits. De tels faits prendront toute leur portée quand la France aura assuré, au prix de son sang, l’avenir pacifique de l’humanité.


L. DE LAUNAY.