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entailler celle de New-York à Buenos-Aires, exécuter un trans-canadien et un transandin, doit savoir qu’en pareille matière ce que la logique impose aux désirs des hommes, les hommes d’aujourd’hui l’exécutent. De la pointe d’Algésiras à Ceuta, il n’y a que 25 kilomètres de mer, alors qu’il y en a 40 de Douvres à Calais. La profondeur de 1 000 mètres a beau entraîner un allongement notable pour un tunnel et le courant créer une gêne pour des ferro-boats, le raccordement se fera ; il aura lieu d’autant plus vite que la mauvais génie allemand ne sera plus là pour jeter des sorts sur tous les essais de concorde humaine. En attendant, Cadix est déjà sur la route de Rio Janeiro, et la traversée de Gibraltar à Tanger n’est que de quelques heures. Amener des trains rapides au Sud de l’Espagne, c’est ouvrir un accès par terre vers tout le Maroc, l’Algérie, le Sénégal, le Soudan : c’est réduire à quatre ou cinq jours la traversée vers le Brésil. C’est créer, à travers l’Espagne, un mouvement de transit, qui permettrait d’étendre largement son réseau de voies ferrées.

Si la topographie de l’Espagne est un obstacle naturel aux communications intérieures, ses 4 000 kilomètres de côtes lui assurent, en revanche, un avantage dont elle pourrait mieux profiter. Les bons ports y sont nombreux : Bilbao, Santander, Gijon, Huelva, Séville, Cadix, Carthagène, Alicante, Valence, Barcelone. L’Espagne devrait être davantage un pays de navigateurs ; elle devrait tout au moins s’assurer à elle-même son propre cabotage, non pas à coups de tarifs protectionnistes ou de primes, mais par le libre jeu de la concurrence. En temps normal, ce cabotage apporte une aide précieuse, mais qui pourrait être plus grande, aux transports par terre. On apprécie mieux encore son concours disparu quand la navigation est réduite au minimum, comme cela se produit depuis la guerre ; alors les chemins de fer s’engorgent et tout le pays en souffre.

Le développement de la marine marchande espagnole est une question du jour. L’Espagne n’est encore qu’une puissance maritime de second ordre, dont la flotte marchande ne dépasse pas 800 000 tonneaux. Mais, dans ce cas aussi, la guerre, en assurant des bénéfices énormes aux armateurs, a favorisé nos voisins. Il se produit, en ce moment, » un mouvement analogue à celui qui, de 1897 à 1900, porta la marine marchande espagnole de 500 000 à près de 800 000 tonneaux. Des chantiers de