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l’étranger. Il avait toute raison de se croire libre et tout-puissant.

Au Japon, l’Empire avait traversé, depuis la mort du dernier souverain, l’empereur Meiji-Tennô, une série de crises parlementaires et presque constitutionnelles sous les Cabinets du marquis Saionji, du prince Katsura et de l’amiral Yamamoto. A deux reprises, l’émeute avait grondé dans Tokyo contre les deux derniers Cabinets dont les chefs impopulaires avaient dû se retirer devant l’opposition du Parlement et de la Nation. Mais la formation, au mois d’avril 1914, du Cabinet présidé par le comte Okuma et qui comprenait, outre le chef entièrement acquis à la cause constitutionnelle, d’ardens partisans du régime strictement parlementaire, tels que le baron Kato, ministre des Affaires étrangères, M. Wakatsuki, ministre des Finances, M. Ozaki, ministre de la Justice, M. Kono, ministre de l’Agriculture et du Commerce, avait rétabli la confiance et le calme au Parlement comme dans le pays. L’Empire avait repris avec une autorité sereine le cours de ses destinées.

Depuis le renouvellement de l’alliance anglo-japonaise (12 août 1905) et le traité de Portsmouth (5 septembre 1905), mais surtout depuis les arrangemens successifs du Japon avec la France (10 juin 1907), avec la Russie (30 juillet 1907), avec les États-Unis (30 novembre 1908), la constellation politique de l’Extrême-Orient était formée par cet accord entre le Japon et les quatre grandes Puissances de l’Ouest, Angleterre, France, Russie, États-Unis, qui s’étaient entendues pour garantir, avec l’indépendance et l’intégrité de la Chine, l’équilibre et la paix de l’Asie orientale et du Pacifique. La Chine, sans être elle-même partie au dit accord, en était la bénéficiaire. L’ordre et le statu quo du lointain Orient étaient maintenus, comme l’avaient été pendant de longues années ceux de l’Orient ottoman, par une coalition puissante qui, outre qu’elle veillait à la sécurité politique de l’Asie, assurait la liberté et l’égalité de l’expansion économique dans ces régions dont les richesses naturelles étaient à peine exploitées et dont les besoins ne pourraient manquer de s’accroître.

Seule, de toutes les Puissances ayant des intérêts en Asie, l’Allemagne s’était tenue en dehors des arrangemens ainsi contractés entre le Japon et l’Occident. Elle avait préféré, tantôt dénoncer le péril jaune, tantôt exciter les unes contre les autres les Puissances sur les divisions et l’affaiblissement desquelles