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Je connais ces remous de parfums, de lumière,
Qui font du crépuscule un cap tiède et houleux
Où le cœur, faible esquif noyé par le flot bleu,
S’enfonce, en s’entr’ouvrant, dans l’ombre aventurière.

— Lamartine, Rousseau, Byron, Chateaubriand,
Ecouteurs des forêts, des astres, des tempêtes.
Grands oiseaux encagés, et qui heurtiez vos têtes
Aux soleilleux barreaux du suave Orient,

Vous qui, évaluant à l’infini la somme
De ce que nul ne peut étreindre et concevoir,
Ressentiez cependant l’immensité d’être homme
Sous le dôme distrait et fascinant du soir.

Vous qui, toujours louant et maudissant la terre,
Lui prodiguiez sans cesse un amour superflu,
Et qui vous étonniez de rester solitaire
Comme un rocher des mers à l’heure du reflux,

Soyez bénis, porteurs d’infinis paysages.
Esprits pleins de saisons, d’espace et de soupirs.
Vous qui toujours démens et toujours les plus sages
Masquiez l’affreuse mort par d’éternels désirs !

Soyez bénis, grands cœurs où le mensonge abonde.
Successeurs enivrés et tristes du dieu Pan,
Vous dont l’âme fiévreuse et géante suspend
Un lierre frémissant sur les murs nus du monde !

COMTESSE DE NOAILLES.