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Oublier ! Perdre en toi tout l’univers trop tendre,
Engloutir dans ton cœur l’eau d’or des ciels d’été,
Précipiter en toi, pour ne jamais l’entendre,
Le chant silencieux fusant de tous côtés,
Faire de notre amour une tombe profonde
Où parfums, sons, couleurs, s’épuisent, enfermés,
Abolir l’éphémère, envelopper les mondes,
N’être plus, être toi, dormir, mourir, aimer !...


CONFESSION


Je t’aime comme on aime vivre,
A mon insu, et cependant
Avec ce sens craintif, prudent,
Qu’ont surtout les cœurs les plus ivres !

J’ai douté de toi, mon amour,
Quelle que soit ta frénésie.
Puisqu’il faut qu’il existe un jour
Au loin, où, ni la poésie.

Ni les larmes, ni la fureur.
Ni cette vaillance guerrière
Qui criait au Destin : « Arrière ! »
N’empêcheront l’humble torpeur.

Jamais je ne fus vraiment sûre
De te voir, quand je te voyais :
Ce grand doute sur ce qui est
C’est la plus fervente blessure !

Tu sais, on ne peut exprimer
Ces instinctives épouvantes :
J’ai peur de n’être pas vivante
Dès que tu cesses de m’aimer !...