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l’importance de la cargaison débarquée proportionnellement à la jauge du bâtiment. Naturellement, les cargos français, qui se déchargent finalement dans un de nos ports, se trouvent acquitter le maximum du droit, tandis que celui-ci ne frappe les étrangers que très légèrement.

Le résultat de cette politique douanière néfaste n’a pas tardé à se faire sentir. Les navires allemands qui hésitaient autrefois à relâcher chez nous pour ne pas payer de droits de quai ont saisi cette occasion d’aller nous ravir le fret qui s’offrait si bénévolement à eux le long de notre littoral et leurs navires sont apparus sans cesse plus nombreux dans nos villes maritimes. D’ailleurs, non contentes de favoriser nos ennemis sous le rapport douanier, les autorités françaises poussaient l’inconscience jusqu’à se faire les auxiliaires condescendans de l’invasion germanique.

Sans se déranger de leur route, tous les navires allemands, à destination de l’Amérique du Nord ou de l’Amérique du Sud, faisaient escale à Boulogne ou à Cherbourg et y prenaient nos passagers et notre fret dans des conditions de bon marché tout à fait exceptionnelles, — puisqu’ils restaient en rade et n’avaient à payer que les droits de pilotage, tandis que nous autres, pour entrer dans nos ports d’attache, nous étions obligés de payer dix fois plus.

A Cherbourg, l’hôtel où descendaient les passagers, en attendant le bateau, était tenu par un Allemand et les domestiques qui servaient à table portaient la livrée du Norddeutscher Lloyd. Les wagons qui transportaient les passagers destinés aux. bateaux allemands, sur la ligne de l’Ouest-Etat, étaient choisis parmi les plus neufs et les plus confortables de la Compagnie, tandis qu’on nous gratifiait du vieux matériel.

C’est également par un Allemand que l’hôtel était tenu à Bizerte, mais à Alger c’était bien plus fort : un individu ventripotent, qui répondait au nom de Heckmann et qui était censé représenter la Compagnie du Norddeutscher Lloyd, n’était autre qu’un agent diplomatique allemand, pour ne pas dire un espion, envoyé là pour attirer aux Compagnies allemandes le plus de fret possible, en disant pis que pendre des Compagnies françaises. Comme les navires du Norddeutscher Lloyd, venant de l’Orient et de l’Extrême-Orient, s’arrêtaient à Alger pour charbonner, ils avaient intérêt à détourner sur Gènes le plus de