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de la pensée ne sont que choses de chez nous, fines merveilles de France.


Celui-ci encore est de France, et de la plus jolie manière, l’auteur des Croquis de Paris, M. Maurice Demaison. Ses croquis, ses petits tableaux, d’une peinture attentive, exacte et habile, forment par leur réunion l’image ample et variée de Paris pendant la première année de la guerre. Et, dans ce mince volume, bat, comme dit un beau sonnet liminaire de M. Henri de Régnier, « le cœur vaillant, le cœur sublime de Paris ! » M. Maurice Demaison ne cherche pas le sublime. Seulement, il l’avait sous les yeux : et le sublime de Paris, tout de simplicité, même dans l’héroïsme, et avec bonhomie... Il y a une lettre de Mme de La Fayette, où elle feint de ne pas être l’auteur de la Princesse de Clèves et profite du stratagème pour juger ce roman qu’elle ne méprise pas : elle aime qu’on n’y trouve rien d’emphatique et de « grimpé, » dit-elle. Rien de « grimpé » non plus, dans le sublime de Paris ni dans les croquis de M. Maurice Demaison. Paris s’attendit aux plus effroyables calamités : et il eut cette coquetterie, de subir élégamment son angoisse. Il fut sauvé : il ne retentit pas de cris de joie plus que, durant les mauvais jours, de cris d’épouvante. Le 3 septembre 1914, — et que n’avait-on pas à craindre alors ? — l’auteur des Croquis note qu’un avion boche versa des bombes sur notre ville et qu’un Parisien concluait : « Oui, nous avons le risque des bombes ; mais au moins les autobus ne nous écraseront pas ! » Rester, dans la chance, tel qu’on était avant cela : c’est une rare élégance et que n’ont pas, d’ordinaire, les parvenus. Dans le péril, garder son attitude habituelle : c’est une autre élégance, et presque la même en son origine, le signe de la bonne race et d’un usage ancien. Paris ne ressemble jamais à un parvenu : il a son passé, pour l’aubaine et pour l’infortune. Il a continué, pendant les terribles semaines, sa vie, son badinage aussi. Et M. Maurice Demaison, dans sa peinture de Paris, badine, comme son modèle badinait, avec un entrain qui veille à cacher la tristesse.

Il raconte qu’un de ses amis, jurisconsulte, reçut de province, au premier printemps de la guerre, la lettre que voici : « Modeste travailleur, je prépare une monographie de Charles le Simple et du traité de Saint-Clair-sur-Epte par lequel, l’an 911, il donna sa fille Gisèle en mariage à son vainqueur, Rollon, chef des Normands... » Le modeste travailleur demandait au jurisconsulte quelques renseignemens précis touchant les conventions matrimoniales réglées