Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/930

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ouvre d’amples vues dans le mystère des rêveries individuelles et collectives. Il étudie ces diverses familles spirituelles de la France, les catholiques, les protestans, les israélites, les socialistes, les traditionalistes. Chacune de ces familles a ses idées particulières qui, au lieu de les diviser, de les séparer, les dirigent vers le même devoir. Tels socialistes puisent dans le souci de la société future la même abnégation, le même dévouement que les catholiques doivent à leur dogme de la vie éternelle. Les protestans consentent à l’idée de la justice le même sacrifice que font les traditionalistes au vœu de maintenir intact l’héritage français. Les uns et les autres « distribuent la même pensée sous des vocables différens ; » tous, en défendant la France, « défendent leur foi particulière : « et c’est leur foi, particulière qui les dévoue à la France. « Chacun d’eux confond avec la France sa religion ou sa philosophie. miracle ! ils ont tous raison !… » Tant la France est une opulente synthèse de pensée.

Dans les anciens tableaux religieux, on voit souvent les personnages, placés côte à côte, merveilleusement dissemblables : il y en a de tous les âges, de tous les métiers, de doux et de violens, de riches et de pauvres ; et chacun d’eux est comme s’il n’avait pas de voisin. Chacun d’eux a son air, sa coutume ; et chacun d’eux est à part soi. Mais tous ont pareillement les yeux levés vers le ciel. Et c’est l’oraison commune, l’oraison particulière adressée au même Dieu, qui les groupe. C’est l’oraison qui fait la composition du tableau. Ainsi, nos diverses familles spirituelles, dévouées à la même patrie, composent par leur dévouement la France,


Pour que fût parfaite l’unanimité du pays dans l’épreuve qu’il subit, on voudrait qu’à l’arrière l’esprit de guerre eût la maîtrise. Il ne l’a pas absolument. Et faut-il appeler famille spirituelle de la France la tribu des frivoles qui paraissent ne pas savoir qu’il y a la guerre ? M. Maurice Donnay a entrepris de les avertir. Il s’adresse, pour ainsi dire, aux gentils et aux gentilles, que l’esprit de guerre n’a pas touchés. C’est pour eux qu’il a écrit ses charmantes Lettres à une dame blanche : et, à l’égard de cette dame blanche, il n’a que tendresse et déférence ; mais il lui montre la comédie, assez ridicule et triste, que mènent, à Paris, quelques dames moins blanches et, autour d’elles, bon nombre d’hommes qui, sur ce point, sont femmes. La dame blanche est délicieuse. Dans les premiers temps de la guerre, elle a trempé, distribué des soupes ; elle a tricoté : elle a chanté pour les blessés ; elle a été marraine ; elle a donné aux œuvres. Et, avec tout