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les ruines de la mairie incendiée le lundi de Pâques ; il nous mène à la Kommandantur. On nous renvoie plus loin, rue de Pas. Là, on procède à un dernier appel, à une vérification de notre identité. »

Les prisonnières déjà se croient libres : elles respirent, le cœur au large. Pas encore ! Un gros officier, très chamarré, très décoré, entre, le front dur. Il les toise et, d’un ton rogue, mais plus bête encore que méchant :

— Alors, vous ne voulez pas travailler ?...

Sa demande tombe dans un silence méprisant.

« Un officier nous dit :

— Vous êtes libres !

Fendant la foule, arrêtée à chaque pas, par l’un, par l’autre, je finis par sauter dans un tramway. Prévenue, maman m’attendait à la porte de la maison. »


Tel est dans sa douloureuse simplicité ce récit d’une déportée. Les notes d’Yvonne X... que j’ai en partie transcrites, ont été rédigées dans la forme, non d’un réquisitoire mais d’un procès-verbal : « Les choses se sont passées ainsi... « Ils » nous ont fait cela... » Je ne sais si je me trompe ; cette impersonnalité me semble produire, sans y prétendre, une impression plus forte que ne le ferait une violence pourtant bien justifiée...

Quant à moi, je me bornerai à dire à chacune de mes lectrices : « Imaginez que l’une de celles dont le supplice vient de vous être décrit soit votre propre fille... »


H. CELARIÉ.