comme on nous le dit, jusqu’à la fin de la guerre, il faut ménager nos ressources le plus possible. D’ailleurs, bien des choses manquent ici. A table, Madeleine a beau couper le pain parcimonieusement, il arrive un jour où nous n’en avons plus... »
Heureusement, une recette circule dans le pays. Avec du blé grossièrement moulu et du lait, on peut faire des gaufres. Une voisine prête un gaufrier ; une autre, dans le fond d’un panier, bien caché, apporte un peu de blé. Les jeunes filles commencent de le moudre. Attention à ne pas se laisser pincer ! L’une d’elles fait le guet sur le pas de la porte. Bien lui en prend. Voilà le jardinier ! Moulin à café, blé, gaufrier, comme par enchantement, disparaissent dans le buffet.
L’homme entre, ne s’aperçoit de rien -
— Mademoiselle « Chef, » pourquoi vos amies pas être venues travailler ce matin ?
— Le commandant leur a donné congé.
— Demain alors.
— Oui, s’il ne pleut pas ; parce que, s’il pleut, petits choux promenade.
L’homme s’en va. Les affamées procèdent à la confection de leurs gaufres, les font cuire... Elles leur paraissent exquises !
Le lendemain, il pleut. Quelle chance ! Pas de choux ! Mais le buffet est vide. Yvonne X... et Simone de V... décident d’aller dans les fermes voisines. Peut-être voudra-t-on bien leur vendre quelques œufs :
« La première maison où nous entrons est habitée par un vieux bonhomme tout cassé. Il se retourne, l’air méfiant.
— Vous n’avez pas d’œufs à vendre ?
Il fait « non » de la tête.
Rien, avec toutes ces poules !
— Vous ne savez donc pas qu’on doit donner les œufs à la Kommandantur ! Est-ce que vous vous imaginez que j’ai envie de payer des amendes pour vous faire plaisir ?... »
Et, pour se débarrasser des quémandeuses, le vieux les interpelle rudement :
— Pourquoi vous promenez-vous au lieu de travailler ? Allez, allez, vous ferez bientôt les foins !...
Nous filons sans demander notre reste, mais, partout, c’est la même chanson :
« On n’a pas d’œufs... Allez voir ailleurs... Allez donc à