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l’Autriche en lui offrant part à deux, puis au besoin contre l’Autriche, si elle ne renonçait pas à sa part du gain réalisé en commun. La campagne de 1864 et celle de 1866 ont été le résultat de cette conception que le roi de Prusse traita d’abord de pure folie, mais qu’il adopta lorsque Bismarck lui eut démontré qu’elle était réalisable, et signifié « que si Sa Majesté ne l’adoptait pas, il donnerait sa démission. »

il fallait d’abord entraver et paralyser les efforts et les intrigues auxquelles se livrait le prince d’Augustenbourg pour faire aboutir sa candidature. L’invasion du Schleswig par l’armée prussienne lui porta un coup dont elle ne se releva plus. Le candidat, durement évincé, dut renoncer à voir se réaliser ses espérances. De cette déconvenue, il avait gardé le plus amer souvenir. Il était mort en 1869 sans s’être reconcilié avec la Prusse. Son fils, le duc Frédéric, héritier de son ressentiment, avait continué à bouder la cour de Potsdam. Vivant tantôt dans ses domaines, tantôt en Angleterre où l’appelait souvent l’amitié de la reine Victoria à laquelle il était apparenté par sa femme née princesse de Hohenlohe-Langebourg, il ne venait jamais à Berlin. Il avait cinq enfans, dont quatre filles. L’aînée allait atteindre sa vingt-deuxième année sans avoir été demandée en mariage, ce qui pouvait aisément s’expliquer, car elle ne rachetait pas par la beauté la médiocrité de sa fortune. Ceux qui la connaissaient disaient d’elle : » Elle n’est pas jolie, mais elle est charmante, » ce qui eût été vrai, si le charme de la femme résidait uniquement dans la possession des vertus bourgeoises qui peuvent s’exercer au foyer domestique, sans cependant l’embellir ni lui donner d’éclat. Elle avait donc vécu jusque là assez ignorée, lorsque, au commencement de 1880, on annonça son prochain mariage avec le prince Guillaume, petit-fils de l’Empereur, destiné à succéder à son père le kronprinz Frédéric.

Ce jeune homme avait un an de moins que la princesse qu’on lui destinait. Il ne s’était distingué jusque là que par des escapades d’adolescent, des travers de caractère et des actes d’indiscipline filiale qui provoquaient parfois entre ses parens et lui des scènes regrettables ; mais rien n’annonçait dans sa conduite ce qu’il serait plus tard. On le considérait comme un grand enfant, comme un garçon insignifiant séparé de la couronne pour longtemps encore. Son grand-père ne paraissait pas prêt à quitter la vie ; la maladie dont devait mourir son père ne