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Après avoir eu le plus grand mal à obtenir une audience, M. de Quaade fut enfin admis à formuler les questions de son gouvernement, mais, dès les premiers mots, Bülow l’arrêta : « Dans les vues de la chancellerie impériale, lui dit-il, le traité du 11 octobre, annulant l’article 5 de celui de Prague, a eu pour objet de fermer la question de rétrocession d’une partie du Schleswig, et non de la rouvrir sous une autre forme, comme semble le croire le Cabinet danois. En conséquence, nous devons le prier de ne pas insister sur sa communication et de cesser toute ouverture à ce sujet. »

Ce langage, dépourvu de bienveillance et presque dédaigneux, n’était pas fait pour dissiper les appréhensions du gouvernement royal. Il avait attribué déjà au Cabinet de Berlin des arrière-pensées annexionnistes. Maintenant, il le soupçonnait de préparer quelque mauvais coup, pour hâter l’exécution de ses desseins. L’attitude de Bülow autorisait les suppositions les plus alarmantes. En cette occurrence, on ne pouvait attendre un secours efficace que de la reine Victoria. De nouveau on recourut à elle, ainsi qu’à la princesse Alexandra. Il est dit dans un rapport diplomatique qu’arrivèrent alors à Windsor des lettres éplorées, à la suite desquelles les destinataires firent appel pour la seconde fois aux bons offices de lord Odo Russell. Il reçut de sa souveraine et du prince de Galles la mission particulière de chercher à savoir ce que la cour de Copenhague pouvait avoir à redouter, et de s’efforcer de calmer les ressentimens du Cabinet de Berlin.

Le brillant représentant de la puissante reine britannique était assuré de plus d’égards et de franchise que le modeste et timide diplomate danois. Il interrogea au nom de sa souveraine et on lui répondit par des explications rassurantes dont la sincérité ne lui parut pas douteuse et ne l’était pas. Bülow affirma que le traité du 11 octobre « était sans corrélation aucune avec le fait du mécontentement causé à la chancellerie impériale par la conduite du gouvernement danois. » La date même de sa conclusion en était la preuve. Pendant le Congrès de Berlin, l’Autriche avait voulu témoigner de ses sentimens amicaux pour l’Allemagne, en effaçant du traité de Prague une clause qu’elle n’avait pas demandée, dont elle n’avait jamais réclamé l’exécution et qui, par son caractère de revendication posthume, pouvait, à un moment donné, créer des embarras aux deux