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de recouvrer une petite partie de ses provinces perdues. Néanmoins, si fragiles que fussent à cet égard ses espérances, il n’y avait pas renoncé. Or, le 4 février, alors qu’il commençait à peine à se remettre de ses émotions et se flattait de voir ses rapports avec l’Allemagne redevenir rapidement tels qu’ils étaient avant le mariage de la princesse Thyra, le représentant de l’Autriche à Copenhague se présentait chez le ministre des Affaires étrangères et lui annonçait officiellement que le Cabinet de Vienne s’était mis d’accord avec celui de Berlin pour annuler cet article 5. Un traité avait été conclu entre eux à cet effet, à la date du 11 octobre. En même temps que le gouvernement autrichien le notifiait au gouvernement danois, il en publiait le texte dans son Journal officiel. Le gouvernement allemand le publiait aussi, mais il ne daigna pas en faire l’objet d’une communication au Cabinet de Copenhague. « C’était bien assez, semblait-il dire, que le Cabinet de Vienne s’en fût chargé. » Ce manquement aux usages aggravait pour le Danemark le dommage que lui causait la décision du 11 octobre.

Le premier mouvement du roi Christian et de ses ministres fut un mouvement d’indignation et de colère. ils songèrent d’abord à protester à Berlin et à Vienne, à envoyer la protestation aux grandes Puissances, en sollicitant leur intervention ; puis ils se ravisèrent, sous l’influence des appréhensions qu’éveillait en eux leur ignorance des mobiles auxquels avaient obéi l’Allemagne et l’Autriche. Que signifiait ce coup de théâtre ? Était-il le prologue de quelque invasion nouvelle, ou n’était-ce qu’une manifestation plus accusée du ressentiment du prince de Bismarck ? En tout cas, eût-il été prudent de l’irriter en se répandant en récriminations et en plaintes, en essayant d’ameuter contre lui l’opinion publique européenne ? La prudence et la peur l’emportèrent ; on se contenta d’avertir officieusement les Puissances. Comme il fallait s’y attendre, aucune d’elles ne proposa d’intervenir. La Russie traita d’ « odieux escamotage » l’annulation de l’article 5, mais conseilla au Cabinet danois « de n’y attacher aucune importance. » Nonobstant ce conseil, et bien que l’Allemagne n’eût pas fait à Copenhague une communication analogue à celle de l’Autriche, le gouvernement royal chargea son représentant à Berlin de demander au comte de Bülow les explications que l’Autriche n’avait pas cru utile de donner.