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leçon sévère dont son ministre des Affaires étrangères avait affirmé la nécessité, sans dire en quoi elle consisterait. Rêvait-on à Berlin l’annexion pure et simple du duché de Brunswick à la Prusse ou quelque incursion sur le territoire danois, suivie d’une spoliation nouvelle ?

Ce qui autorisait ces craintes, c’est que le prince impérial d’Allemagne n’appréciait pas la conduite du roi Christian moins durement que Bülow. Lord Odo Russell, qui avait chez lui ses grandes et ses petites entrées, étant allé le voir pour plaider la cause du Danemark, fut presque rabroué et de la belle façon. Le prince impérial lui avait déclaré qu’il était personnellement blessé de la conduite du roi Christian et de son gouvernement : ce souverain s’était adressé à lui et avait fait appel à ses bons sentimens pour obtenir son agrément au mariage de la princesse Thyra avec le duc de Cumberland ; il avait immédiatement répondu dans les termes les plus affectueux et s’était employé près de l’Empereur pour qu’il ne conçût aucun déplaisir de cette union, ainsi qu’auprès de la chancellerie allemande, afin que les rapports avec le Danemark ne subissent aucune altération. La récompense de ces bons procédés avait été un encouragement à peine dissimulé donné aux revendications du duc de Cumberland et une réception d’un caractère blessant pour l’Allemagne faite aux députés hanovriens protestataires ! Un tel procédé n’était pas excusable. Pour finir cette remontrance que lord Russell était impuissant à modérer, le prince impérial s’était écrié : « Je vous en prie, mon cher, ne cherchez pas à justifier la conduite du roi Christian ; vous me désobligeriez. »

L’irritation restait donc très vive dans les hautes régions berlinoises, et très probablement le prince de Bismarck, bien qu’il ne parût pas au cours de ces péripéties, n’y restait pas étranger. Soit que le chancelier cherchât à impressionner le duc de Cumberland, pour l’amener à renoncer à ses droits sur le Hanovre, en lui décrivant les destinées réservées au petit Etat dont il devait hériter à la mort du duc régnant, dernier représentant de la branche aînée de sa famille, soit qu’on voulut préparer l’opinion à une prise de possession prochaine, on laissait les journaux discuter l’opportunité et la convenance de l’annexion à la Prusse.

Le thème, d’une simplicité remarquable, était celui-ci : la