Ce brusque changement d’attitude était l’œuvre des chefs du parti guelfe, Windthorst, Bernstorff, Münchausen et autres sujets hanovriens restés fidèles à la cause de leur Roi vaincu, malgré les offres séduisantes de la Prusse[1]. Avertis de ce qui se préparait à Londres et à Berlin, ils avaient adressé au duc de Cumberland d’amères représentations. Désireux surtout de le soustraire à l’influence de la cour de Windsor, ils l’avaient pressé de les rejoindre en Autriche. Il s’était rendu à leur appel et, une fois sous la main de ces ardens serviteurs de sa maison, faible et irrésolu, il avait subi leurs directions. Pour lui fermer toute voie de retour à ses engagemens antérieurs, ils l’avaient amené à signer et à rendre publique cette protestation rédigée par Windthorst qui, au grand regret de la reine d’Angleterre, mettait fin à toutes les négociations.
Tandis que se déroulaient ces événemens, le roi et la reine de Danemark étaient partis pour l’ile de Wight avec la princesse Thyra. Ils y allaient tous les ans, attirés à la fois par leur fille aînée la princesse de Galles et par la souveraine britannique dont l’amitié ne leur avait jamais fait défaut. À la fin d’août, ils s’installaient à Balmoral. Bientôt après, le duc de Cumberland y arrivait, au lendemain de sa protestation, et y retrouvait la princesse Thyra qu’il y avait rencontrée antérieurement.
Elle venait d’atteindre sa vingt-cinquième année, et toutes les grâces de la femme s’épanouissaient dans sa personne. Elle ressemblait en cela à ses sœurs, possédant au même degré qu’elles les agrémens visibles et les qualités d’esprit et de cœur qui en doublent le prix. L’éducation qu’elle avait reçue à la cour patriarcale de son père, son intelligence et sa bonté, sa connaissance des affaires européennes qu’elle devait à ses fréquens rapprochemens avec ses beaux-frères destinés l’un et l’autre à régner sur un vaste empire et dont elle était fraternellement aimée : autant de privilèges qui déjà la paraient de ce charme dont tous ceux qui l’ont connue ont subi l’attrait.
Intellectuellement le duc de Cumberland ne la valait pas,
- ↑ Parmi ceux qui cédèrent à ces offres figure le comte de Munster qui fut ensuite ambassadeur d’Allemagne, d’abord à Londres, puis à Paris où il résida en cette qualité de 1886 à 1901. Tombé en disgrâce, il fut rappelé à l’improviste. Un de ses amis s’étant étonné que l’Empereur eût oublia ses services, le comte de Munster répondit : « Oui, l’Empereur les a oubliés ; mais Dieu n’a pas oublié le renégat. »