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suivi, en conduisant leurs hommes, leur idéal de solidarité, humaine ; la formation d’un capitaine Rendu est toute religieuse. Ainsi se confondent dans la France commune tous les cœurs et toutes les pensées. On se souvient de celle sœur Rosalie qui vint du pays de Gex pour assouvir dans un quartier populaire de Paris sa passion des pauvres, qui tint tête au choléra, en 1832, et qui, pendant la Révolution de 1848, fut respectée des insurgés au point de leur pouvoir arracher toutes les victimes réfugiées chez elle avec ce beau cri : «. On ne tue pas ici ! » Elle avait donné des Filles de la Charité cette admirable définition : « Une fille de saint Vincent de Paul est une borne sur laquelle tous ceux qui sont fatigués ont le droit de déposer leur fardeau. » Décorée de la Légion d’honneur sous le Second Empire, elle accepta la croix par simplicité, mais ne la porta jamais [1]. Son petit-neveu Xavier Rendu, ancien élève des Beaux-Arts, architecte à Saint-Claude, la devait mériter à son tour dans ces terribles journées d’octobre devant Vaux avec cette citation : « ... Capitaine au 230e régiment, a toujours fait preuve des plus hautes vertus militaires. Le 24 octobre 1916 a conquis, dans un magnifique élan, les positions allemandes de son secteur sur une profondeur de 1 200 à 1 500 mètres. Arrêté ensuite dans sa progression par un ouvrage ennemi puissamment organisé et garni de mitrailleuses, a maintenu son bataillon au contact de cet ouvrage pendant deux jours sous un feu violent, soutenant par son action personnelle le moral de ses troupes et conservant le souci constant de la manœuvre ; a poussé des reconnaissances hardies très au delà de la position qu’il a enveloppée pour couper le ravitaillement de la garnison. A capturé au cours de ces trois journées plus de 400 prisonniers et 7 mitrailleuses. »

Le capitaine Rendu, comme le lieutenant Philippe, comme tant d’autres, laissait derrière lui une femme de santé précaire et des enfans en bas âge. La jeune femme avait offert ses souffrances pour le salut de son mari et même réclamé de Dieu qu’elles fussent augmentées. « Mais, disait-elle à sa garde-malade, je crains d’avoir été présomptueuse, car parfois je souffre trop, et cela nuit à l’accomplissement de mes devoirs d’état. » C’est ici l’hommage respectueux et pieux rendu à une sainte et à une

  1. Voyez les Semeurs : sœur Rosalie, par M. F. Laudet. (Perrin, édit)