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prisonnière. Mais il lui faut un renfort de grenadiers pour opérer plus sûrement. « Je vais les chercher, » dit Fonbonne. Il en ramène une dizaine aux musettes bien garnies, sous la conduite de l’adjudant Perret. Pendant son absence, le Boche n’a pas cessé de fumer, ni Favre de l’observer et d’étudier le terrain et les ouvertures des abris. Le chasseur à l’affût n’est pas plus attentif à la surveillance du gibier. Mais le gibier ne va-t-il pas le dévorer ? Voici qu’à l’instant même où il va ordonner d’occuper toutes les issues, une section d’infanterie débouche à trente mètres de lui, en colonne par un, venant du village de Vaux. « Couchez-vous, » commande-t-il à voix basse. Les hommes se collent au sol. Ils ne sont pas vus, et la colonne s’engouffre dans les cavernes. Cela fait bien du monde là dedans, et il y a peut-être d’autres ouvertures. Le jeune chef est un vieux routier avisé et prudent. Avant de risquer l’aventure, il convient de mettre de son côté toutes les chances. Il demande deux volontaires : le caporal Farjon et le soldat Arpaillanges se présentent les premiers. À eux trois, ils font une nouvelle reconnaissance des abris. Cependant, à l’une des entrées, le Boche fume toujours sa pipe. On se décide à lui mettre la main au collet : s’il appelle, on le tue. Il lève un œil étonné, prend à la main sa pipe, car un homme à demi étranglé ne peut tirer une bouffée, et se tait. On l’interroge rapidement : il fournit les derniers renseignemens utiles. Le capitaine Favre, prompt à l’exécution, une fois qu’elle est résolue, range ses hommes aux diverses entrées. Une grenade suffit ; les Allemands, sans difficulté, sortent de leurs trous : plus de soixante, dont un lieutenant et une paire de médecins. « Est-ce tout ? » demande Favre à l’officier. L’officier ne répond pas, mais ses soldats font signe que non derrière lui. Évidemment, une ou deux nouvelles grenades convaincraient les récalcitrans, mais le capitaine Favre, prudent pour ses hommes, ne l’est guère pour lui-même, et, par surcroît, il est généreux comme un paladin. Il descend tout seul dans le réduit, son revolver en main, et il lie conversation avec les retardataires, leur affirmant qu’il ne leur sera fait aucun mal. Les derniers sortent à leur tour : le total est de quatre-vingt-deux. Maintenant, il faut revenir, avec cette forte colonne, quatre fois plus nombreuse que son escorte. Le retour risque d’être compliqué : un agent de liaison vient prévenir le capitaine Favre que des élémens ennemis progressent sur sa