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partie la crise charbonnière qui sembla, un moment, tarir les sources mêmes de notre vie économique.

Quoi qu’il en soit, nous sommes bien, n’est-ce pas ? en présence d’un moyen d’action nouveau, et l’on voit à plein le développement logique du système de guerre de l’Allemagne. Elle ne vise d’abord que la destruction des navires de commerce des belligérans, ce qui était, du reste, déjà contraire aux prescriptions nettes du droit maritime international. Constatant ensuite que les neutres jouaient un grand rôle dans le ravitaillement des Alliés, elle déclare qu’elle détruira, — avec avertissement préalable, — leurs paquebots, si elle les découvre dans une zone voisine du littoral britannique. Mais bientôt il lui apparait que cela ne suffit pas. Les gains réalisés par nos « routiers » sont un appât si puissant qu’ils naviguent toujours, construisant à force pour réparer leurs pertes. Et d’autre part, ces neutres se montrent si timides ; ils courbent si aisément le dos sous les coups, protestant à peine et pro forma contre la violence, que l’on peut tout oser... On proclame donc, le 31 janvier 1917, cette abominable loi martiale de la mer où il n’y a même plus le roulement de tambour d’avertissement : on étend largement la zone interdite et dans cette zone interdite on détruira tout, aveuglément. Le simple soupçon d’aller en Angleterre ou d’en revenir vaut un arrêt de mort.

Quelques semaines après, au Reichstag, l’amiral von Capelle peut affirmer sans manquer à la vraisemblance que la guerre sous-marine donne des résultats inespérés, tandis qu’à Londres les ministres anglais, avec cette belle et ferme sincérité qui leur fait moins d’honneur encore qu’à la nation à laquelle ils s’adressent, déclarent que la situation est grave et d’une gravité qui s’accroît.

Pourtant, si les dirigeans de Berlin ont le droit de se montrer satisfaits du succès qu’ils doivent avant tout à leur absolu défaut de scrupules, leur satisfaction n’est pas entière. Ces neutres terrorisés qui, à ce coup, ne veulent plus naviguer du tout, ces neutres, s’ils ravitaillaient l’Angleterre, alimentaient aussi l’Allemagne, malgré toutes les précautions prises par les Alliés pour que les importations hollandaises et scandinaves ne fussent pas suivies de clandestines exportations chez l’ennemi. Il semble donc que l’on ait quelque peu dépassé le but, ce qui arrive presque toujours à qui ne connaît d’autres