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relèvemens, prêtresse d’un feu sacré qui ne doit pas s’éteindre, semeuse d’idées et créatrice d’idéal, elle a joué dans l’histoire un rôle unique que nul peuple à son défaut ne pourrait soutenir, nul ne l’a éprouvé avec plus de force que Victor Hugo ni ne l’a traduit avec plus d’éloquence. Déjà dans les Odes [1] il écrivait : « C’est le coq gaulois qui réveille le monde, » et dans les Chants du Crépuscule [2], parlant à la jeunesse : « Vous êtes bien les fils de cette France


Qui fait quand il lui plaît pour l’exemple du monde
Tenir un siècle dans un jour !


« Mon nom sous le soleil est France ! » crie à Mahomet II sous les murs de Constantinople le géant chevalier de la Légende [3]. L’Élégie des Fléaux [4] reprend le même thème et lui donne toute son ampleur dans un dialogue entre le Poète et le Chœur, dont le lyrisme fervent est pour nous gonfler le cœur d’orgueil et d’amour. Attaquer la France, c’est attaquer l’avenir. La France ne peut pas mourir. Le monde a besoin qu’elle vive, et la chute de tous les empires disparus dans le lointain des âges, l’anéantissement des plus antiques civilisations ne seraient rien « au prix de son éclipse énorme. » Car son génie fait de rectitude et de clarté est fait aussi de bonté. Son geste héréditaire est celui d’une âme qui se penche vers une autre âme pour la consoler. Le cœur immense de l’humanité bat dans la poitrine de la France.

Et le cœur de la France bat dans Paris. Combien de fois Hugo n’a-t-il pas glorifié Paris et le peuple parisien dans l’Année Terrible, dans les Actes et Paroles, dans Les Quatre Vents de l’Esprit ! On l’en a raillé abondamment. Mais ce qu’il a dit du Paris d’alors, nos écrivains et nos orateurs ne l’ont-ils pas dit depuis bientôt trois ans du Paris d’aujourd’hui. « Paris ! on peut tout lui dire et tout lui demander. Il ne faut pas le juger d’après une surface. Le Paris des grandes circonstances, on le trouvera quand on voudra. » Ainsi s’exprimait ici même M. Maurice Dounay dans sa pièce : Le Théâtre aux Armées. En décembre dernier, Me Henri Robert s’écriait à la Sorbonne,

  1. Odes, III, 7.
  2. Chants du Crépuscule, I. Dicté après juillet 1830.
  3. Légende des siècles. Première série, VI, 2.
  4. Légende des siècles. Nouvelle série, II, 22.