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prennent d’écharpe les premiers assaillans et frappent à la tête un grand nombre de ceux qui s’efforcent de sortir des boyaux glissans : le mouvement ne se continue bientôt plus que de trous d’obus en trous d’obus. Le commandant Modat sent que le moment est décisif ; les commandans des compagnies Dessendie et Maufredi ont la même pensée : dès qu’ils voient le chef de bataillon demander l’effort suprême coûte que coûte, ils entraînent leur compagnie violemment, sans souci des pertes. Les officiers, les gradés et quelques hommes pleins de bravoure enlèvent à leur suite, malgré la boue, dans un mouvement irrésistible, les sections qui avaient ralenti leur débouché. Le spectacle est alors admirable : on ne voit que des files d’hommes debout chargeant dans le brouillard à la recherche des groupes d’ennemis qui tirent toujours. Les pertes augmentent rapidement : dix officiers, dont le chef de bataillon, sont mis hors de combat. La compagnie Maufredi perd tous ses officiers et près de la moitié de son effectif, la compagnie Dessendie est fortement éprouvée aussi, mais l’élan définitif est donné, les marsouins ne songent plus qu’à venger leurs chefs et leurs camarades. En un clin d’œil, les élémens de tranchées qui avaient résisté au feu de notre artillerie sont encerclés à courte dislance, indépendamment les uns des autres, par les fractions de soutien des compagnies de tête et des compagnies de soutien. Les premières vagues, après avoir massacré ou pris tout ce qui était devant elles, s’élancent sur le premier objectif à mille mètres environ... » Elles disparaissent dans le brouillard, ayant soin de relier fortement la chaîne. Derrière elles, les groupes ennemis qui ont été dépassés et qui occupent toujours la tranchée Augusta, paient cher les feux de flanquement si meurtriers qu’ils ont exécutés quelques minutes auparavant. Cependant, « les survivans de l’attaque boche étaient dignes des marsouins qui les combattaient : beaucoup refusèrent de se rendre et lancèrent des grenades jusqu’à la mort. Un jeune officier d’une belle stature, cerné par trois coloniaux et sommé de se rendre, répondit en les regardant fièrement : « C’est impossible. » Un autre officier ennemi tira sans relâche les balles de son revolver jusqu’à ce qu’il fût massacré. Certains groupes d’Allemands levèrent les mains quand ils se virent cernés... » Heureux d’avoir la vie sauve, ils offrent de nombreux cigares. Quand la section laissée en arrière s’élance à la suite