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facultés pour résoudre ce problème : expliquer les phénomènes sans se donner d’autres élémens que des phénomènes et des connexions de phénomènes. C’est pour satisfaire aux conditions de ce problème que le savant s’ingénie à détacher l’idée du sentiment, de la tendance, de l’âme et de la vie. Ainsi dépouillée, ainsi transformée, l’idée est impropre à mouvoir la volonté. Mais, sous sa forme naturelle, elle est tout autre. La vie de l’âme, en réalité, est une, et l’idée n’en est qu’une partie, solidaire d’ailleurs des autres parties, et fondue avec elles dans une pénétration mutuelle, dont la vie organique n’offre qu’une faible image. Prise ainsi dans sa réalité concrète, l’idée participe immédiatement de l’activité et de l’efficace qui appartiennent à l’âme et à la vie. Elle exerce son influence sur les sentimens et les résolutions, de même qu’elle en exprime les caractères et les tendances. Il y a, entre l’idée et les autres élémens de la vie psychique, action et réaction continuelles.

Ainsi il est très vrai que l’idée est susceptible d’engendrer, et l’on a raison de dire que certaines paroles sont des actes. Mais il s’agit alors de l’idée vivante et concrète, non de l’idée purement intellectuelle. La caractéristique de cette idée vivante, c’est l’effort de réalisation, qui, non seulement l’accompagne, mais en est partie intégrante. Ceux-là seuls la possèdent, qui, déjà, la servent et s’y dévouent. Le Logos dont il est dit dans l’Evangile qu’au commencement il était, et que par lui s’est fait tout ce qui est, n’est pas la parole ou l’idée toute nue : en même temps que parole, il est vie, lumière, amour, sacrifice.

Ne craignons donc pas de l’affirmer : les principes pour lesquels combattent les Alliés ne sont pas nécessairement, comme l’enseigne la psychologie allemande, de simples thèmes de rhétorique. La Révolution française n’est pas une phrase. Il est vrai, d’une vérité positive, que la croyance à la justice, à la valeur de la personnalité dans les individus et dans les nations, aux destinées morales de l’humanité, peut être, non seulement un noble objet de contemplation, mais un élan ardent et efficace du cœur et de la volonté, un effort où se concentrent toutes les énergies, un commencement d’action, qui s’épanouira, dans le monde visible, en réalité concrète. Que les défenseurs du droit et de l’idéal soient véritablement animés de cette foi vive et agissante, qui, selon le vers célèbre de Racine, est seule une foi sincère ; et leur idéal devra l’emporter sur l’idéal allemand,