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sommes-nous, chez qui, dans quel milieu ? L’auteur a évité de nous renseigner sur ce point, ou plutôt il a eu soin de le laisser dans le vague. Il n’a particularisé ce milieu par aucun trait et n’a aucunement cherché à nous suggérer que ce fût un coin de la société où les rapports entre les parens et les enfans sont un peu exceptionnels. Tout au contraire. C’est ici un intérieur pareil à beaucoup d’autres, où tout se passe comme partout ailleurs, et selon l’usage. A en juger par leur train de vie, les Hamelin ont une large aisance, plutôt qu’ils ne sont riches. Ils travaillent. A quoi ? peu importe. M. Hamelin est peut-être avocat ou peut-être ingénieur. Son gendre a des affaires, va à un bureau. Le fils est censé faire son droit. Donc nous ne sommes pas chez des oisifs pervertis par le luxe et abêtis par leur inutilité. Et pas davantage parmi des exotiques ou des déracinés chez qui les principes vacillent et la conscience s’est obscurcie. Non. Nous avons sous les yeux un spécimen d’excellente bourgeoisie moyenne, à l’existence cossue, aux habitudes réglées, aux relations choisies : bref, un type de la meilleure famille française.

Les Hamelin marient leur fille. C’est la réception après l’église. Tandis que leur appartement est en proie aux invités, ils ont réservé une pièce où les personnes de la famille peuvent respirer un instant et reprendre haleine avant de se replonger dans le brouhaha. Le fils de la maison, Max, vient s’y reposer de ses fatigues de garçon d’honneur. Ainsi nous allons faire connaissance avec cet intéressant jeune homme. Il vient d’avoir vingt ans, ou il va les avoir. A cet âge-là, on a le cœur sur les lèvres et on est amoureux de toutes les femmes. Max n’y manque pas, et nous ne songeons guère à lui en vouloir. Il vient de faire un doigt de cour à sa demoiselle d’honneur. il fera tout à l’heure exactement les mêmes complimens et les mêmes confidences, avec la même gaucherie entreprenante et la même ardente timidité, à sa marraine. Cette marraine n’est une marraine ni au sens littéral du mot, ni au sens figuré d’aujourd’hui qu’il n’avait pas encore. C’est une jeune veuve, Éveline, intime dans la maison, et à qui les enfans ont donné ce surnom d’amitié. La musique, les fleurs, le Champagne ont légèrement grisé cette jeune marraine, et cette griserie la prépare à sympathiser avec l’émoi de son filleul. Il y a de l’amour dans l’air... Cependant les nouveaux mariés, Suzanne et Henri, qui partent pour la terre classique du voyage de noces, prennent congé de leurs parens. M. Hamelin se répand tout particulièrement en recommandations sur les visites aux Musées. Ce déballage artistique dissimule mal l’émotion qui l’étreint. C’est lui