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amie, revolver au poing, pour demander les armes. Il n’y avait dans la maison qu’un revolver qu’on leur a donné. Nous étions si troublées par cette perquisition inattendue que nous n’avons pas eu la présence d’esprit de demander aux marins de nous montrer leur ordre de perquisition estampillé du cachet de la Douma. Peut-être, après tout, cela est-il mieux ainsi !...


Jeudi 30.

Les arrestations continuent. Les membres des trois Cabinets qui se sont succédé depuis la guerre seraient déjà sous les verrous. Les prisonniers sont d’abord conduits à la Douma et mis en présence d’une autorité qualifiée pour établir leur identité. Toutes les formalités remplies, on les transfère à la forteresse Pierre-et-Paul que le peuple a vidée de ses détenus politiques, — et même de 300 espions allemands qui y étaient enfermés !... Comme les prisons incendiées ont été aussi débarrassées à la hâte et sans discernement, 5 000 prisonniers de droit commun : voleurs, assassins et autre graine de bandits sont lâchés à travers les rues de Pétrograd !...

La police ayant été anéantie ou contrainte de se terrer, les étudians ont pris l’initiative de créer une milice communale pour le rétablissement de l’ordre. Un de ces jeunes gens vient de me raconter que déjà 40 prisonniers, libérés lundi, sont venus à la milice demander qu’on les réintègre en prison. Ils ne savent où coucher et n’ont rien mangé depuis trois jours.

La Douma délivre aux officiers des permis de circulation, afin de les mettre à l’abri des tentatives criminelles dirigées contre eux pendant ces derniers jours.

Les pires nouvelles arrivent de Cronstadt. Les matelots révoltés y ont fait un effroyable massacre d’officiers... Los mêmes épouvantables faits se seraient produits à Réval et à Helsingfors. Explosion de vengeance, expliquent les révolutionnaires, contre une impitoyable discipline et contre ceux qui l’appliquaient en l’aggravant... S’il est vrai que parmi les officiers quelques-uns furent durs et hautains envers leurs hommes, cela excuse-t-il la justice expéditive et sommaire des matelots ?

L’Impératrice, consignée au Palais Alexandre à Tsarskoïé-Sélo y est gardée par deux députés de la Douma. Trois des jeunes grandes-duchesses ont pris la rougeole. L’état du tsésarévitch a empiré. On redoute un dénouement fatal.