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comme on annonce le 23 août la prochaine réunion d’un Conseil de la Couronne, le comte Czernin ne doute pas que la Majorité du Conseil ne donne son adhésion à la politique de Bratiano. La réunion ayant été fixée au matin du 27 août, le comte Czernin obtient, l’avant-veille, une audience du Roi et, suivant les instructions qu’il a reçues de Vienne, il exprime, de la façon la plus amicale, son regret devoir la Roumanie décidée à déclarer la guerre à l’Autriche-Hongrie. Cependant, celle-ci n’avait jamais réclamé de la Roumanie que des relations amicales et une neutralité correcte.


Finalement, je fis comprendre à Sa Majesté que, si Elle voulait la guerre, Elle nous trouverait prêts et j’insistai naturellement sur ce que les préparatifs faits par la Roumanie nous forceraient à prendre une attitude énergique. Le Roi répondit de la façon confuse qui lui est habituelle. Il expliqua que la journée du lendemain serait décisive. Quant à lui, il ne voulait pas la guerre, mais il ne pouvait prendre à lui seul une détermination ; celle-ci dépendait du Conseil de la Couronne. Il espérait encore possible de rester neutre ; il ne pouvait me le promettre. Certainement, il ne se sentait pas lié par les arrangemens de Bratiano, mais, d’un autre côté, il croyait que son armée ne voudrait pas arrêter la marche des Russes. Il n’était donc pas complètement maitre de ses résolutions... Il parla en termes chaleureux de M. Majoresco, et craignait que celui-ci ne pût avoir une majorité au Parlement.


L’entretien se poursuivit ainsi pendant une heure sans aboutir à une solution. Toutefois, à tort ou à raison, le comte Czernin en emporta l’impression que le roi Ferdinand aurait voulu garder la neutralité, mais qu’il ne saurait pas résister à la contrainte exercée par Bratiano : « l’Entente, d’accord avec celui-ci, menaçait le Roi d’obtenir au besoin par la force l’entrée des Russes en Roumanie. »

Le comte Czernin eut, dans la nuit du 25 au 26 août, un entretien suprême avec M. Bratiano. Le président du Conseil lui déclara catégoriquement « qu’il voulait, pouvait et devait rester neutre : le Conseil de la Couronne apporterait dès le lendemain la preuve qu’il disait la vérité. Le Conseil avait été convoqué contre le désir de Bratiano ; celui-ci en concluait que Majoresco voulait le déloger. A plusieurs reprises, il répéta que, tant qu’il resterait au pouvoir, la Roumanie n’entrerait en guerre que si