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plaignais avaient été nécessités par des raisons bien connues de politique intérieure et, ultérieurement, par crainte d’une surprise du côté de la Bulgarie. Cette appréhension, disait-il, n’avait rien d’invraisemblable, car il était bien possible que, chez nous comme à Sofia, on voulût se débarrasser de la Roumanie.


Je lui répondis que c’était risible : certes, nous marcherions très énergiquement contre la Roumanie si elle nous attaquait, mais nous ne lui demandions rien d’autre qu’une neutralité correcte et de bonnes relations avec nous. D’ailleurs, il pouvait avoir tout de suite la preuve que je lui disais la vérité : qu’il démobilisât et proclamât publiquement la neutralité définitive (de la Roumanie), et je m’engageais à lui venir en aide en ramenant nos troupes en arrière.

M. Bratiano me répondit que nous avions ici des centaines d’espions qui surveillaient toutes ses mesures tandis qu’il ne pouvait contrôler les mouvemens des troupes ni chez nous ni en Bulgarie. Dès lors, des raisons de politique intérieure lui interdisaient complètement la démobilisation. Je devais « comme auparavant » me fier à lui et bien croire qu’il faisait tout son possible pour garder la neutralité.


Le 9 août, le baron Burian chargea, en effet, le comte Czernin de répondre par un refus exprimé dans les formes les plus aimables à la « tentative d’extorsion » exercée par M. Bratiano. Durant les journées suivantes, bien que de nombreux indices annonçassent la rupture prochaine, des bruits contradictoires coururent encore à Bucarest au sujet des intentions du gouvernement roumain. De Vienne, le baron Burian télégraphie, le 10 août, que, suivant des informations venues de divers côtés, une convention militaire a été conclue entre la Roumanie et la Russie, et que la Roumanie se prépare à conclure aussi une convention avec les quatre Puissances de l’Entente. — « Toutefois, il ne faut pas que M. Bratiano se doute encore que nous sommes au courant de la décision qu’il a prise contre nous. »

Le 11 août, le comte Czernin signale l’appel des classes de 1896 à 1914 : des classes plus anciennes ont reçu l’ordre de se tenir prêtes. Cependant, à la même date et même quelques jours après, le bruit court à Sinaïa que le Roi n’est pas d’accord avec son premier ministre et chercherait à remplacer le Cabinet Bratiano par un Cabinet Majoresco. Le Roi, dit-on, ne refuserait pas de marcher contre les Puissances centrales si elles devaient être battues, mais il ne croit pas à leur défaite, Cependant,