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Czernin n’admet pas cette thèse : « La Roumanie, lui répond-il, n’a aucun prétexte pour chercher à se défendre : vous savez fort bien que ni l’Autriche ni la Bulgarie ne songent à vous attaquer, tandis que, chez vous, un parti puissant pousse sans cesse à la guerre contre l’Autriche ; si des hostilités venaient à se produire, la Roumanie en serait responsable et les suites pourraient être graves. »

M. Bratiano, écrivait le comte Czernin, a paru « visiblement troublé ; il m’a remercié de ma démarche, mais a refusé de faire aucune promesse. »

La démarche du comte Czernin reçut la pleine approbation du Ballplatz. Le baron Burian chargea le ministre plénipotentiaire de renouveler ses avertissemens à M. Bratiano en lui rappelant les grands intérêts politiques qui avaient naguère amené la Roumanie à contracter alliance avec l’Autriche et l’Allemagne. Le but était alors d’opposer un solide rempart à la poussée des Russes, d’abord vers l’Europe centrale et, ensuite, vers les Balkans. Ce but ne pouvait être oublié à l’heure actuelle. Alors que la Bulgarie elle-même avait su s’affranchir de la terreur moscovite, la Roumanie devait avoir l’énergie de rentrer dans la voie que lui indiquaient l’histoire, comme aussi la sagesse et les vrais intérêts du pays.

L’hiver de 1915-1916 se passa ainsi en négociations dilatoires. Enfin, au mois de mars 1916, le comte Czernin fut chargé par le Ballplatz de demander au Roi lui-même, « sous une forme aimable, mais néanmoins pressante », que la Roumanie observât plus strictement la neutralité en protégeant ses frontières du côté de la Russie comme elle les protégeait vis-à-vis des autres Puissances limitrophes. Le Roi répondit à cette démarche par des paroles rassurantes, mais plutôt vagues. Son ministre des Affaires étrangères, M. Porumbaro, ayant fait observer que la Roumanie ne pouvait être tenue pour responsable si les troupes russes envahissaient son territoire par surprise et sans avertissement préalable, le comte Czernin se récria : « Comment parler de surprise alors que, pour la troisième fois, il mettait le gouvernement roumain en garde contre pareille éventualité ? »

Dans les entretiens que le diplomate autrichien eut avec le chef du Cabinet roumain au cours du printemps de 1916, M. Bratiano s’attacha à le convaincre que la terrible guerre qui