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mentionnés, sans restriction d’autorisation à solliciter ou de titre à faire valoir, nombre d’hôtels particuliers avec l’indication des toiles renommées ou des beaux meubles qu’on y peut admirer : collections de tableaux de M. le maréchal de Noailles, de M. de Galonné, de M. Dufresnoy, notaire, de M. le marquis de Sabran, etc. etc. Cabinets d’histoire naturelle de MM. de Saint-James, de Vergennes, de M. Petit, médecin, de M. le duc de Montmorency ; la liste est longue. Que d’estampes, de dessins, de toiles fameuses, de portraits, de bustes et de statues dont beaucoup doivent exister encore, que nous n’avons jamais vus, que nous ne verrons jamais, jalousement celés aujourd’hui chez des détenteurs peu empressés, pour bien des raisons, d’ébruiter leurs richesses. Au temps fortuné de « la douceur de vivre, » un favorisé de la fortune ne pensait pas que, pour avoir acquis une œuvre d’art, il avait acheté en même temps le droit de l’enfouir et de la dissimuler à tous les regards ; les belles choses étaient réputées patrimoine de la collectivité ; on se glorifiait d’en faire à tous partager la jouissance, moyen le plus sûr d’abolir à la fois la méfiance de l’heureux possesseur et l’envie de l’humble passant.

On pénétrait avec autant de facilité dans les demeures particulières réputées pour la belle ordonnance de leurs appartemens ou l’originalité de leurs décorations ; dans les jardins pittoresques, nombreux alors dans la capitale, aussi bien celui de M. le duc de Chartres, à Monceau, que celui de M. Beaujon, au faubourg Saint-Honoré et de la folie Saint-James, à Neuilly. Les manufacturiers eux-mêmes ouvrent à tout venant leurs fabriques, sans crainte, tant la confiance est absolue et, peut-être, exagérément candide, qu’on copie leurs procédés ou qu’on surprenne leurs secrets. Un étranger ne quitte point Paris sans avoir vu la fabrique de savon de la petite rue d’Enfer ou la filature de coton du sieur Chardemon, au faubourg Saint-Antoine. En 1784, Mme Cradock visite la manufacture de papiers peints d’Arthur : Mme Arthur fait très aimablement les honneurs des ateliers, et Arthur lui-même, — qui depuis !… Mais alors il était galant !… — offre, par la main de son fils, à l’étrangère un joli écran du dernier modèle[1].

Les exemples de cette accueillante et générale affabilité

  1. Journal inédit de Mme Cradock, traduit de l’anglais par Mme O. Delphin-Balleyguier, page 73.