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les armateurs ne sont pas les employeurs de tous les inscrits maritimes, mais seulement de 30 pour 100 d’entre eux. Les cotisations élevées (3 pour 100 des salaires des marins) que la loi du 14 juillet 1908 force les patrons à verser à la Caisse des invalides servent à constituer des retraites non seulement aux équipages qui sont au service de l’armement, mais encore à la masse des inscrits maritimes de la petite pêche ; les prestations respectives imposées aux inscrits maritimes comme aux armateurs ayant été calculées en raisonnant comme si tous les inscrits maritimes relevaient d’un armateur.

Faisons la récapitulation de ces exigences : déficit de mousses et excédent de soutiers et de mécaniciens à bord de nos navires ; repos hebdomadaire abusif ; traitement des maladies, même de celles qui ne résultent pas du service ; rapatriement ; pensions de retraites et de blessures pour tous les inscrits. Est-il étonnant après cela que les armateurs défaillent sous le fardeau ? Après les avoir gênés dans la constitution de leurs équipages, on leur a enlevé la seule arme qu’ils eussent pour se garder contre les fauteurs de désordre qui se glissent là comme partout ailleurs. Enfin, ils se trouvent par avance en quelque sorte « handicapés » dans cette lutte ardente et disputée qu’il va leur falloir bientôt livrer pour maintenir haut et ferme nos trois couleurs. Au cours des péripéties de cette « course des pavillons, » l’armement français, écrasé par une série de charges inconnues de ses rivaux, sera promptement distancé. Certaines de ces charges ne sont pas seulement onéreuses : elles sont parfois vexatoires, et plusieurs se superposent entre elles pour assurer le même besoin. De toute façon, nombre d’entre elles laissent la porte ouverte à des abus. Cependant rien n’est plus nuisible à une entreprise commerciale que de n’être pas définitivement fixée sur ses frais généraux. C’est pourquoi il est particulièrement triste qu’aux fantaisies de la réglementation s’ajoutent les inconvéniens résultant de l’inconstance de la réglementation elle-même.

Les armateurs vivent dans l’insécurité. ils passent leur temps à se garder contre les circulaires ennemies qui les assaillent de toutes parts et à se prémunir contre la marée des projets de loi insuffisamment mûris. On croit s’être libéré envers nous en nous accordant des compensations d’armement ou des subventions postales. Mais, outre que celles-ci ne sont pas toujours