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supérieure au quart de l’équipage, à la suite de désertion du d’épidémie, le navire se trouve retenu à l’étranger pendant plusieurs jours avant que l’accord ait pu se faire entre le consul et l’armateur. Que d’exigences superflues et nuisibles !...

L’Amérique nous offre à ce sujet un exemple comparatif qui ne laisse pas d’être éloquent. Alors qu’en France la navigation sous pavillon national est, en fait, réservée aux citoyens français, en Amérique une enquête menée en juin et juillet 1916 sur 433 navires jaugeant 1 520 176 tonnes, a démontré que ceux-ci étaient montés par 21 010 hommes dont 6 692 Américains et 2 486 naturalisés contre 11 832 étrangers. Dans cet ensemble, ce qui est d’ailleurs tout à notre honneur, le contingent français ne figure que pour 55 unités. La proportion des Américains ou naturalisés par rapport à l’ensemble n’était donc que de 45 pour 100. Parmi ces 21 010 hommes, 5 807 étaient affectés au service du pont, 8 413 aux machines, 6 790 au service civil. Sur 8 413 hommes employés pour les machines, 2026 étaient Espagnols. Quant au personnel civil, il est recruté en majeure partie chez les Américains de couleur. La proportion des individus de nationalité américaine dans la marine des Etats-Unis semble d’ailleurs diminuer. Elle était de 49,3 pour 100 en 1910 ; elle n’est plus que de 42,5 pour 100 en 1916, sans avoir jamais cessé de décroître. La flotte yankee s’alimente de déserteurs, qui quittent leurs navires pour se ranger sous les plis du pavillon étoile.

J’ai cité ces chiffres pour montrer quelles facilités rencontre la marine des États-Unis en regard de la nôtre pour constituer ses équipages. Quant aux Anglais, ils jouissent de l’immense avantage d’employer en grand nombre sur leurs bâtimens des lascars qui s’accommodent aussi bien du noir séjour des chaufferies que de l’élégance ensoleillée des salons.

Grâce à son empire colonial, la France pourrait, elle aussi, trouver parmi ses sujets lointains des élémens capables de satisfaire aux exigences de l’acte de navigation, sans compromettre l’armement des vaisseaux. Les chauffeurs arabes ou somalis laborieux et résistans à la chaleur, les domestiques annamites méticuleux et polis, sont de précieuses recrues pour le service des machines, ou pour celui des passagers, toujours si difficiles à contenter. Il s’agit donc d’utiliser ces indigènes