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L’entrée de l’écoute qui attend les officians et leur suite est Pareillement ornée. Deux canons de bronze, d’un modèle inusité, qui ont servi en 1870, le Berceau et la Marie, montent la garde devant une reproduction en terre cuite de la citadelle du temps de Vauban. Au dehors, une compagnie du 49e bataillon de chasseurs à pied, en armes, clairons et fanfare en tête, est prête à rendre les honneurs. Le général Dubois et son état-major sont groupés face à la porte de la ville que doit franchir le cortège.

Le jour est triste, le ciel bas, les campagnes meusiennes, là-bas, le long du fleuve gris, se perdent dans la brume. Les hautes murailles des remparts semblent atteindre ce ciel rapproché. On entend, comme un orage éloigné, les roulemens du canon. La bataille n’est pas finie. Que vient-on célébrer dans Verdun pareille à la Jérusalem désolée des Lamentations ?

La cérémonie qui va s’accomplir est sans exemple dans l’histoire. La gloire de Verdun sera unique. La cité invaincue va recevoir l’hommage de la France et de toutes les nations alliées. Le Président de la République française lui apporte la croix de la Légion d’honneur ; les représentans des nations alliées, au nom de leurs souverains, lui apportent les insignes de leurs ordres les plus estimés. Verdun va grouper l’alliance et prendre toute sa signification.

« Depuis le 21 février, est-il écrit dans le rapport en date du 29 août, par lequel le ministre de la Guerre présentait au chef de l’Etat le décret décidant l’attribution de la Légion d’honneur à la place forte, la ville de Verdun, dans sa farouche résolution de maintenir son territoire inviolé, oppose à l’armée de l’envahisseur une résistance qui fait l’admiration du monde... Il est du devoir du gouvernement de la République de proclamer que la ville de Verdun a bien mérité de la patrie. » — A bien mérité de l’Entente, ont voulu ajouter les Alliés.

A la vérité, le nom de Verdun est un symbole, mais à la manière de tous les noms de batailles. La ville représente la barrière dressée devant l’invasion. Elle a, dans cette guerre aux fronts indéfinis, l’importance d’un fleuve, la Marne, l’Yser ou la Somme. N’a-t-elle pas, avec ses collines incurvées, la forme d’un bouclier ?

Un à un, sans protocole apparent, les automobiles franchissent la porte de la ville et s’arrêtent un peu avant l’écoute,