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presque ironiquement, — car il y a de l’ironie à constater l’impuissance du plus gigantesque effort, — dans une cérémonie symbolique, la gloire de Verdun qui a parachevé l’œuvre de la Marne et de l’Yser et sauvé du joug de la Force qui se met au-dessus des lois et des traités la France, le monde, le droit...


Verdun, comme une église, a sa crypte où le jour n’entre pas, où ne pénètrent que les fidèles autorisés. Sa crypte, c’est la citadelle. Construite sous les fondations de l’ancienne abbaye de Saint-Vanne qui couronnait la ville, proche l’emplacement de la cathédrale actuelle, elle défie tous les bombardemens et sa vie souterraine n’a jamais été troublée. Elle abrite de nombreux services qui n’ont pas été interrompus. De vastes boulangeries y sont installées : le visiteur aperçoit dans l’une ou l’autre de ses travées des hommes demi-nus dont le torse est rougi par le reflet des brasiers et qui pétrissent la pâte et l’enfournent. Des magasins, des ambulances, des installations chirurgicales, une usine électrique y fonctionnent. Une fois entré, on se croirait dans une ruche paisible et laborieuse, tant l’activité y est grande et tant la menace de la guerre en est absente. Car la ville est saccagée, mais la citadelle est intacte. Les maisons croulent, mais les remparts demeurent. Tout ce qui appartenait à la cité commerçante, trafiquante, étrangère à la défense, est à peu près détruit. Tout ce qui relève de la cité militaire a résisté. Ainsi se mesure l’impuissante rage de l’ennemi qui a précipité inutilement des milliers de tonnes de fer sur Verdun sans atteindre réellement aucune de ses fortifications.

Sans l’éclairage électrique, la citadelle aurait l’aspect de l’un de ces vieux burgs formidables bâtis dans le roc, aux interminables couloirs, aux casemates voûtées, aux oubliettes savamment pratiquées dans l’épaisseur des murs. Il faudrait des torches pour compléter ce décor des Burgraves. L’escalier en colimaçon qui dessert les étages se perd dans l’ombre. Des hommes casqués assurent la garde. Des manœuvres roulent des fardeaux. Le réfectoire occupe toute une travée et aboutit aux cuisines dont la fumée a noirci les pierres des voûtes romanes. Ce réfectoire a reçu bien des hôtes illustres. La généreuse et cordiale hospitalité du général Dubois, commandant