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allemands, des produits coloniaux français passaient en Autriche, dans les Balkans, chez nos alliés russes, avec lesquels il semblait que nous renoncions, pour beaucoup d’articles, à nouer des relations directes. Sans cesse, les Congrès coloniaux, les journaux spéciaux, les notices du Ministère des Colonies dénonçaient ces habitudes paresseuses ; des travaux d’inventaire scientifique, tels que ceux du professeur Perrot, de M. Auguste Chevalier, directeur du laboratoire d’agronomie coloniale du Muséum, étaient, avant la guerre, à peine remarqués de nos commerçans et industriels ; en 1913 seulement, un syndicat s’était constitué à Paris entre les importateurs des bois du Gabon ; les besoins de nos armées ont donné un essor admirable, presque imprévu, à l’exploitation des graphites de Madagascar.

Que ce progrès continue et se développe désormais, c’est le vœu commun de tous les Français, métropolitains et coloniaux. Il importe qu’il s’appuie sur une rénovation de notre marine marchande, qui va sortir de la période des hostilités, épuisée par la fatigue des navires. Nationaliser les transports extérieurs de nos colonies doit être un des chapitres essentiels du programme de la renaissance française ; il y faut des bâtimens adaptés aux exigences de certains frets, spécialisés comme le sont nos vagons pour vins, minerais, gros ou petit bétail, primeurs, etc. A cette question de la réorganisation de nos transports maritimes coloniaux se rattache celle des communications de nos colonies avec la métropole et entre elles, par câbles, télégraphie sans fil, chemins de fer. Profitons des leçons de la guerre pour réclamer une fois de plus la construction de notre grande ligne politique et plus tard économique d’Afrique, le transsaharien. Préparons-nous enfin à prolonger dans la paix la pratique d’une politique coloniale interalliée, qui s’est si heureusement affirmée pendant la guerre ; en Afrique notamment, la France a des services à échanger avec ses voisins anglais, belges, portugais. Retenons en un mot, de l’épreuve présente, que la France européenne, même avec les restitutions qu’elle attend d’une justice prochaine, n’est pas ainsi complète ; sa constitution intégrale englobe aussi ces colonies, présens de précurseurs trop longtemps dédaignés, qui viennent de lui prodiguer si magnifiquement le témoignage de leur richesse et de leur fidélité.


HENRI LORIN.