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souvent les Alliés. La longue durée de la guerre a posé une question qui n’avait, au début, préoccupé que quelques spécialistes, celle du change ; les statistiques de 1916 accusent que la France a importé, pendant ces douze mois, pour dix milliards de francs au delà du total de ses exportations ; cet excédent ressortirait plus formidable, si les calculs avaient été faits sur la valeur actuelle des marchandises, et non sur des mercuriales périmées ; en ce moment, nous manquons de la compensation que nous apportent d’ordinaire la venue et le séjour en France de nombreux étrangers. Il est donc exact de dire que, du fait de la guerre, notre pays engage largement son capital ; son crédit à l’extérieur n’a pas pu n’en point éprouver le contre-coup, d’où la perte au change que subit notre papier sur tous les marchés neutres. Cette crise a été sensiblement atténuée par l’envoi de marchandises coloniales, dont le règlement, purement domestique, ne réagit pas sur les cours du change ; mais il importerait de renforcer beaucoup ce mouvement.

L’Indochine, grenier à riz, a expédié plusieurs milliers de tonnes de cette céréale en Europe ; une partie était une contribution purement gratuite ; elle a envoyé aussi du mais, plante que les Annamites cultivent très volontiers depuis quelques années, alternativement avec le riz, là où ils peuvent aisément diriger l’irrigation. L’Afrique du Nord a souffert de mauvaises récoltes de grains, en 1914 et 1915 ; elle n’a donc pu fournir à la métropole son contingent coutumier ; les autorités ont dû même prendre des précautions pour conserver sur place, et parfois importer, les quantités nécessaires aux semailles. La contribution en vin a été proportionnellement supérieure, ainsi que celle en fruits et en viande. Les Antilles et la Réunion, où la canne avait bien donné, ont réservé pour la métropole leurs sucres et leurs rhums ; on a signalé, en novembre 1914, un chargement direct de sucre de la Réunion à destination de l’Algérie. L’Intendance a réalisé au Maroc des achats considérables en blé, dont une partie a ravitaillé la Tunisie et les armées du Levant ; les œufs marocains, dirigés par millions sur la France pendant les mois d’hiver, remplacèrent ceux que les Balkans et la Russie ne nous envoyaient plus. Le chemin de fer abyssin, achevé en 1915 jusqu’aux portes d’Addis Ababa, fit descendre par Djibouti des grains et des cafés éthiopiens.

Une mention spéciale doit signaler le progrès des usines