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militaires de l’arrière, ainsi qu’à des usines de guerre. Déjà, depuis 1912, des Kabyles étaient mineurs dans des houillères du Pas-de-Calais, d’autres manœuvres dans des raffineries parisiennes. L’essai, qui avait été satisfaisant, fut généralisé ; cette mobilisation civile, qui assure aujourd’hui aux familles des allocations analogues à celles de la mobilisation militaire, a pourvu aux besoins d’abord des usines de guerre en Algérie, puis de diverses autres dans la métropole ; d’autres Algériens ont été envoyés dans la Beauce, pour la moisson, ou dans les ports, pour la manutention des docks. Un effort analogue a été demandé au Maroc ; des spécialistes ont élaboré un contrat de travail adapté à ces innovations. L’Indochine a envoyé en France des convois d’ouvriers depuis le mois d’août 1915 ; ces Annamites, très alertes, doués d’une rare faculté d’imitation, sont très appréciés dans les fabriques de munitions et dans les ateliers d’aéronautique ; d’autres, ainsi que des Malgaches, font d’excellens infirmiers, silencieux, sobres, soigneux. Le profit de ces découvertes, issues des improvisations de guerre, ne disparaîtra pas au retour de la paix.

Peu préparées pour la production industrielle, les colonies n’ont pu contribuer que par des appoints à la fabrication du matériel, sur leur propre territoire. En général, la main- d’œuvre coloniale a besoin pour ces travaux d’une éducation qu’il n’est pas possible de lui donner sur place ; de plus, les transports intérieurs n’ont pas été aménagés pour la circulation facile des minerais et marchandises lourdes ; l’Algérie attend encore le chemin de fer qui emmènera sur le port de Bône le fer qui gît par montagnes entières, dans l’Ouenza ; en Nouvelle-Calédonie, les premiers hauts fourneaux traitant le nickel n’ont été mis à feu que peu de mois avant les hostilités. Dans l’impossibilité d’équiper aux colonies une industrie de guerre suffisante pour renforcer la métropole, les autorités se sont plus modestement proposé de maintenir les approvisionnemens de leurs propres territoires ; là, bien souvent encore, il a fallu recourir à des importations.

Mais les colonies étaient capables de coopérer d’autre manière au ravitaillement du front européen ; beaucoup de leurs produits naturels sont des articles de grande consommation, pour les besoins civils aussi bien que militaires ; elles ont de leur mieux mobilisé ces ressources, afin d’en faire profiter la France, et