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général, le 22 septembre 1915, à Agadir, le port célèbre par la démonstration allemande de 1911.

L’Algérie et la Tunisie ont traversé aussi quelques momens pénibles, où l’on a pu mesurer la constance de nos compatriotes et le loyalisme de presque tous nos indigènes. Lorsqu’elle entra dans la guerre, en mai 1915, l’Italie n’avait, pas plus que nous au Maroc, terminé son œuvre de pacification en Tripolitaine. Elle préféra rabattre sur la côte ses troupes de l’intérieur, ce qui peut s’expliquer par le caractère désertique de cet arrière-pays, très différent du versant atlantique de l’Atlas. Cette retraite provisoire rendit courage aux nomades hostiles ; la Turquie, alliée de l’Allemagne, fit passer aux rebelles par des rades non surveillées, des officiers, des armes, de l’argent. Les troupes françaises du Sud tunisien accueillirent fraternellement les garnisons italiennes de quelques postes qui se replièrent au Nord-Ouest ; elles-mêmes durent subir le choc de djiouch très mordans ; la défense de tel bordj par une poignée de territoriaux mourant de soif, jusqu’à l’arrivée de renforts, est un épisode digne des plus belles pages de notre épopée africaine. Cependant que la Tunisie du Centre et du Nord prenait part bravement à la grande guerre, le résident général, qu’accompagnaient un des fils du Bey et le général commandant le corps d’occupation, inaugurait le chemin de fer de Gabès, ligne stratégique par laquelle la locomotive atteint, à 524 kilomètres de Tunis, la lisière du Sahara (avril 1916).

L’Algérie, déjà plus vieille terre française, n’a commencé qu’aux toutes dernières années du XIXe siècle, à définir le régime qui en a fait une annexe originale de la métropole ; il lui faut un budget à elle, des lois spéciales inspirées de celles de France, mais non exactement calquées sur elles ; ses indigènes, qui ont vu depuis plus de trois quarts de siècle des Français parmi eux, connaissent mieux les avantages de cette association et, parfois, discernent mieux en quoi la race directrice ne l’a pas développée suffisamment encore. Nous essayions, depuis trois ans, l’application de la conscription aux indigènes algériens, suivant des formules assez souples et retouchées par l’expérience. La guerre nous a déterminés à une accélération du mouvement d’où, en quelques endroits, des mécomptes. En 1914 et 1915, la médiocrité des récoltes donna crédit à quelques agitateurs et l’administration dut faire plusieurs