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l’expulsion des Français d’Indochine ; il se tenait en correspondance avec des fonctionnaires chinois des provinces limitrophes du Tonkin, et des soldats de la Légion étrangère, Allemands d’origine, de nos garnisons frontières ; il avait des émissaires au Siam, et visait aussi l’Inde anglaise.

L’Allemagne, par elle-même, n’a pu rien faire ou presque, contre nos colonies : lancer quelques obus sur Philippeville et Bône, du Gœben et du Breslau qui gagnaient Constantinople, couler une canonnière en rade de Taïti furent ses seuls exploits de guerre, médiocres et sans lendemain. Mais elle avait dévolu un rôle plus actif à des complices indigènes, dont la tâche était soigneusement distribuée ; ceux-là devaient, non seulement jeter les Français à la mer, mais inquiéter les Anglais et même les Italiens, afin de les décider tout au moins à garder la neutralité. Le canon de la Marne a brisé le rêve allemand, aux colonies comme en Europe ; ce n’est plus à des conquêtes, suivant les vœux du pangermanisme, que le Kaiser doit songer, mais à la défense d’un empire dont la vigueur offensive est définitivement enrayée. Cependant ces colonies françaises, dont il escomptait l’aide indirecte contre leur métropole, ajoutent une force nouvelle à celles qui déjà sont coalisées contre la violence germanique : pour la lutte nationale qui mobilise toutes ses énergies, la France trouve dans ses colonies des soldats, des ravitaillemens, de l’argent ; elle élabore avec elles, sous le feu, un avenir d’étroite et féconde solidarité.


Les métropolitains en résidence aux colonies sont en petit nombre ; dans l’Afrique du Nord seulement, pays tempéré, où nos premiers établissemens sont vieux déjà de près d’un siècle, une population notable, de langue et d’origine françaises, s’est constituée, qui vit presque exactement sous les mêmes lois que celles de la métropole. Les conscrits et les réservistes de l’Algérie sont partis comme ceux de France, touchés le même jour par l’ordre de mobilisation ; pour la Tunisie, il en fut à peu près de même, tandis qu’au Maroc, pays de toute récente occupation, le résident général imposa quelques règles spéciales à l’ardeur des concitoyens, empressés à faire tout leur devoir. On peut estimer à 120 000 hommes le contingent des Français qui sont ainsi venus de l’Afrique méditerranéenne grossir les diverses unités