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grâce à la libéralité des chemins de fer allemands à l’égard du livre, voyageant en grande vitesse au tarif de la petite, les cent volumes, accompagnés en outre de ceux que leur caractère ou leur valeur ont fait juger par son correspondant dignes de l’intéresser. Cette organisation, qui économise le temps et l’argent, est, sans conteste, parfaitement conçue et jusqu’en ses derniers détails remarquablement « méthodique. » Quand l’un des 12 394 libraires figurant sur l’annuaire de Leipzig reçoit une demande, il lui suffit en effet, s’il ne possède pas l’ouvrage en magasin, de l’inscrire sur une petite fiche de papier mince, où toutes les indications sont prévues, tous les modes d’expédition et de paiement, l’envoi à compte ferme, en dépôt ou à titre de nouveauté, etc. Quelques traits de plume sur les précisions inutiles, et l’affaire est réglée. C’est à la « Maison des Libraires » que chaque jour vient déferler de tous les coins de l’Allemagne le flot de ces petites fiches. Organe né lui aussi d’un besoin, comme Leipzig même. Avant la création de ce bureau, qui est, en quelque manière, la poste centrale des libraires allemands, les fiches étaient portées par messagers aux commissionnaires et aux éditeurs. Détail pittoresque, révélé par un auteur d’outre-Rhin : les uns et les autres, pour s’épargner courses et peines, partageaient la route en deux et se donnaient rendez-vous dans un café. On y gagnait du temps et la joie considérable de vider des pots de bière. Aujourd’hui, les fiches arrivent en vrac à la Maison des Libraires. Editeurs, commissionnaires, chacun y a sa case, comme chaque ville a la sienne à l’intérieur de nos wagons-poste ; une quinzaine d’employés tout au long du jour y distribuent le courrier dès son arrivée. Il ne reste plus aux intéressés qu’à le faire prendre. Si la distance ou leur chiffre d’affaires ne leur permet pas de consacrer un commis à celle besogne, qu’à cela ne tienne : le bureau leur fera parvenir leurs fiches deux ou trois fois par jour.

Pour simplifier encore ces rouages, de gros commissionnaires se sont institués les dépositaires d’un grand nombre de maisons d’édition n’ayant pas de siège à Leipzig. Leur rôle consiste à expédier les commandes dans toutes les villes de l’Allemagne et de l’étranger. En outre, ils emmagasinent d’énormes quantités de livres de tous les pays de langue allemande, les expédient et règlent avec les libraires. C’est ainsi qu’ont surgi ces gigantesques immeubles des Volckmar et des Kœhler, véritables gares