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forte clientèle de naturalisés, Germains de l’Amérique du Nord, fils des deux millions d’Allemands qui se sont expatries depuis 1870 et qui, au recensement de 1910, se chiffraient par neuf millions, Germains de l’Argentine, Germains du Brésil encore, véritables colonies allemandes, prenant leur mot d’ordre à Berlin.

Mais de ce que la librairie allemande, à la veille de la guerre, était prospère, faut-il conclure, comme on le fait couramment, que la nôtre fût en déconfiture, et que Leipzig ait su infliger à Paris une défaite telle que nous ne puissions jamais nous en relever ? Rien de moins exact. Cette opinion pessimiste, trop répandue, les chiffres la contredisent formellement. Sans doute, la librairie française n’était pas aussi florissante qu’elle aurait pu, qu’elle aurait dû l’être, qu’elle le sera demain, mais il s’en faut du tout au tout qu’elle eût depuis quelque dix ans glissé, comme certains se plaisent à le répéter, sur la pente de la décadence. Le vrai, c’est, au contraire, que depuis dix ans, le livre français à l’étranger n’a cessé de progresser. Les rapports de MM. Max Leclerc et J.-P. Belin en ont fourni au Congrès l’irréfutable témoignage.

En 1913, nous avons importé 62 537 quintaux de livres, de brochures, de revues et journaux ; nous en avons exporté 132 590. Or, l’exportation du commerce français en 1904 n’atteignait pas tout à fait le chiffre de 78 000 quintaux. En neuf années, le progrès a donc été de 70 pour 100. N’est-ce pas là un résultat remarquable, infiniment encourageant pour la lutte future ? Si l’on envisage séparément les différentes catégories exportées, on constate pour les livres une augmentation très voisine de 50 pour 100 et pour les périodiques de plus de 160 pour 100. Pour les plaquettes, les catalogues, les imprimés purement commerciaux, de 20 060 en 1905 le chiffre a monté à 31 337 en 1913. Un gain très sensible aussi a été réalisé au chapitre des cartes de géographie, passant pendant cette même période de 141 à 357 quintaux. Peu de progrès en revanche pour la musique, l’Allemagne sur ce point nous écrasant par son organisation et par un matériel d’impression qui lui permettait de nous fournir ses éditions classiques à très bon marché et en même temps d’établir dans d’excellentes conditions pour elle des tirages de nos propres productions. Dans la catégorie des gravures enfin, nous obtenions à tout le moins, avant la guerre,