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philosophe distinguait entre l’esprit géométrique et l’esprit de finesse, le prince remarquait que, si le premier cause des malheurs en politique, le second peut éviter bien des sottises. « Le conflit actuel, ajoutait-il, est fait pour obliger le peuple allemand à voir à quel point les choses de la politique étrangère intéressent le sort de chacun et que les grandes questions politiques sont comme autant de cartouches de cette dynamite redoutable qui, manipulée avec maladresse, peut amener à chaque instant de si terribles explosions. Ce conflit est fait encore pour démontrer la pressante nécessité de l’intelligence, de la décision et de la froide raison dans les affaires internationales où la vie de la nation se trouverait engagée, et pour prouver enfin qu’on ne peut se passer en ces questions de l’expérience, de la connaissance approfondie des hommes et des choses, et par là même de la juste appréciation d’autrui. » N’est-il pas permis devoir là une nouvelle allusion à la propre personne de M. de Bülow, une invitation adroite à remettre aux affaires celui qui, pendant douze ans, les a conduites si bien dans l’intérêt de l’Allemagne ? Je n’imagine pas cependant que le prince ait voulu faire allusion à sa dernière mission en Italie, qui, malgré des prodiges d’habileté et des millions dépensés, a abouti à un si cruel échec [1].

Insistant sur la nécessité de la prudence en affaires, M. de Bülow rappelait encore que le chancelier de fer, malgré sa rudesse apparente, avait su non seulement dire, mais prouver que la politique est « un art. » Est-ce une critique ou simplement un conseil que l’auteur de la Politique allemande exprime en ces termes : « Une politique extérieure habile nous est d’autant plus nécessaire que, placés au centre de l’Europe et entourés d’adversaires de toutes parts, nous sommes constamment sous la menace d’une attaque de l’ennemi ? Encerclés, nous le sommes depuis mille ans, depuis que le traité de Verdun, divisant l’héritage de Charlemagne, a divisé la race territorialement et politiquement. Le fait que nous sommes enclavés entre les Latins et les Slaves nous oblige à compter toujours dans notre politique intérieure avec notre situation politique. » Ce n’est pas seulement des hommes d’Etat que réclame en Allemagne M. de Bülow, c’est aussi une race politique. « Une des

  1. Cf. mon étude sur la Mission du prince de Bülow à Rome ; Bloud et Gay, 1915.